La huitième aventure d’Harry Potter est sortie le 31 juillet en anglais. | ANTHONY WALLACE/AFP

Harry Potter est de retour : d’abord sur la scène du Palace Theatre de Londres, où se joue à guichets fermés la représentation de Harry Potter et l’Enfant maudit, la nouvelle aventure du sorcier à lunettes, mais aussi dans le livre du même nom paru au lendemain de la première représentation, le 31 juillet.

J. K. Rowling, créatrice de la saga, avait toutefois jugé nécessaire de préciser en amont la nature de ce huitième ouvrage dans un tweet adressé à ses fans : « Pour être claire ! Le SCRIPT de L’Enfant maudit va être publié. #Pasunroman #pasunpréquel »

Une précision importante pour pouvoir apprécier cette suite – attendue pour le 14 octobre dans sa version française – à sa juste valeur. Surtout lorsque l’on sait que la parution de l’ouvrage est due à la « demande massive des fans » qui n’auront pas l’occasion d’assister aux représentations tenues jusqu’en décembre 2017.

Une suite directe des « Reliques de la mort »

Harry Potter et l’Enfant maudit reprend exactement là où s’achevait Harry Potter et les Reliques de la mort : sur le quai de la voie 9 3/4, dix-neuf ans après la mort de Voldemort, alors qu’Albus Severus, le deuxième fils de Harry Potter, s’apprête à intégrer l’école de sorcellerie Poudlard. Un établissement où il ne parvient pas à trouver sa place et qu’il se met très vite à détester. Son amitié inattendue avec Scorpius, le fils de Drago Malefoy, vient se greffer à la longue liste des sujets de discorde qui séparent Harry et Albus. La relation compliquée entre le père et son fils, au cœur de l’intrigue, incite l’adolescent à se lancer dans une quête aux conséquences potentiellement catastrophiques pour le monde des sorciers.

L’intrigue, signée du dramaturge Jack Thorne, qui en a conçu les bases conjointement avec J. K. Rowling et le metteur en scène John Tiffany, parvient à nous faire replonger dans l’univers magique de Harry Potter. On se surprend en effet à tourner les pages à un rythme effréné et à s’adapter en un clin d’œil à un format narratif jusqu’ici inédit dans la saga : une succession de didascalies et de dialogues.

Les fans de la saga « Harry Potter » se ruent sur le dernier livre
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Fanfiction et fan-service

Le principal défaut de ce script tient cependant aux deux aspirations contraires de Jack Thorne : en tentant d’offrir une suite à l’histoire de J. K. Rowling sans pour autant assumer l’impact de cette nouvelle aventure sur le canon original, le scénariste, admirateur de Harry Potter, a conçu une intrigue à la fois ambitieuse et conservatrice.

C’est ce qui explique les nombreux passages dignes d’une fanfiction, des récits amateurs imaginés autour d’une œuvre de fiction populaire, plutôt que d’une suite « adoubée » par J. K. Rowling. Ainsi, outre des filiations souvent peu inspirées et l’évolution un peu facile de certains protagonistes (comme Ron), on grince des dents à la lecture de dialogues particulièrement mièvres, notamment à chaque face-à-face entre Harry et Albus, ou encore lors des démonstrations d’amitié éloquentes entre le héros et son ami Scorpius.

Le retour de certains personnages très populaires au sein de la communauté de fans tient par ailleurs le plus souvent du simple fan-service, puisque leur rôle s’avère anecdotique dans la progression de l’intrigue.

Les représentations de la pièce de cinq heures, divisée en deux parties, sont prévues jusqu’en décembre 2017. | JOEL RYAN/AP

330 pages sans temps mort

Malgré ses défauts, Harry Potter et l’Enfant maudit parvient à séduire grâce à la fluidité de sa narration, à ses références complices aux précédents volumes et à quelques trouvailles particulièrement judicieuses (comme les révélations sur la marchande de bonbons du Poudlard Express). Le détachement teinté d’ironie de Scorpius le rend particulièrement attachant et permet de contrebalancer l’agacement que suscite parfois l’attitude geignarde d’Albus.

L’histoire contient par ailleurs suffisamment de rebondissements pour tenir le lectorat en haleine pendant 330 pages, sans réel temps mort, tout en jouant habilement la carte de la nostalgie. Le mystère autour de l’identité du fameux « enfant maudit » est quant à lui bien entretenu : s’agit-il d’Albus Potter, incapable de supporter les attentes disproportionnées qui pèsent sur ses épaules, ou bien de Scorpius Malefoy, au passé douloureux et au patronyme compliqué à porter dans un monde post-Voldemort ?

Le support papier d’une pièce de cinq heures

Dommage toutefois que l’auteur n’ait pas osé laisser libre cours à sa créativité pour offrir une véritable suite à Harry Potter : on ressort de la lecture avec le sentiment d’avoir découvert une sorte de complément sincère mais dispensable aux aventures originales du sorcier. Le script amène aussi à se demander régulièrement comment le metteur en scène est parvenu à transposer sur scène tel ou tel passage particulièrement riche en événements magiques dans cette pièce de cinq heures divisée en deux parties. Comme autant de piqûres de rappel supplémentaires sur la nature première de Harry Potter et l’Enfant maudit.

La déclinaison de cette nouvelle aventure en livre et sur scène – en attendant une adaptation cinématographique ? – laisse en tout cas peu de doute quant au futur de la saga. J. K. Rowling a beau affirmer que « c’en est fini pour Harry désormais », Albus, Scorpius et la nouvelle génération de personnages introduits dans Harry Potter et l’Enfant maudit n’en sont probablement qu’à leur première aventure.