C’est un meurtre qui semble tout droit sorti d’un épisode de la série télévisée House of Cards. Le 11 juillet, Seth Conrad Rich, 27 ans, était abattu dans un quartier chic de Washington alors qu’il était au téléphone avec sa petite amie. Pour la police, cela ressemble à un vol qui aurait mal tourné – plusieurs cambriolages avaient été signalés dans le quartier ces dernières semaines. Trois semaines après le meurtre, l’enquête semble être au point mort, malgré un appel à témoignages assorti d’une prime de 25 000 dollars (22 000 euros) offerte par la police pour toute information permettant d’identifier le ou les coupables.

L’histoire aurait pu en rester là. Mais Seth Rich était aussi salarié du Democratic National Committee (DNC), l’organe central du parti démocrate, qui était notamment chargé de l’organisation des primaires du parti ayant abouti à la nomination de Hillary Clinton – alors que M. Rich était réputé partisan de Bernie Sanders, son adversaire. Et selon sa famille, ni son portefeuille, ni son téléphone portable ne lui ont été dérobés.

Dans les jours suivant le meurtre, des sympathisants républicains ont relayé une rumeur troublante : Seth Conrad Rich aurait été tué alors qu’il se rendait à un rendez-vous avec le FBI, où il aurait supposément voulu témoigner contre des pratiques illégales liées à Hillary Clinton. Propulsée par un site de théories complotistes, la rumeur ne reposait sur aucun élément factuel – et était peu cohérente avec le comportement du jeune homme, qui était encore vivant à l’arrivée de la patrouille de police, avec laquelle il a pu brièvement parler.

Des internautes pro-Trump persuadés que la mort de Seth Rich est liée au camp Clinton ont continué à « mener l’enquête » sur son meurtre, sans résultats. Mais ce 9 août, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a laissé entendre que le jeune homme pouvait avoir été la source ayant fourni à son organisation les milliers de courriels du Parti démocrate. Rendus publics le 22 juillet, ils avaient déclenché une tempête politique au sein du parti démocrate, en montrant l’existence d’un biais anti-Bernie Sanders, le principal adversaire de Mme Clinton, au sein du DNC.

WikiLeaks offre à son tour une récompense

Depuis cette publication, WikiLeaks a laissé entendre qu’il allait publier d’autres documents contenant des révélations sur le parti démocrate. Interrogé dans une émission de la télévision publique néerlandaise Nieuwsuur, M. Assange répond à une question lui demandant si WikiLeaks détient encore des documents pouvant changer le cours de la campagne. « WikiLeaks ne garde jamais des documents en réserve, répond M. Assange. Les lanceurs d’alerte doivent faire de grands efforts pour nous transmettre des documents et prennent de très grands risques. Un homme de 27 ans, qui travaillait pour le DNC, a été assassiné d’une balle dans le dos il y a deux semaines, pour des raisons inconnues, alors qu’il marchait dans la rue à Washington. »

Interrogé par le présentateur sur ce qu’il sous-entend, M. Assange répond : « Ce que je sous-entends, c’est que nos sources prennent des risques, et qu’elles deviennent inquiètes de voir des choses comme celle-là se passer. » Un peu plus tard dans l’entretien, le fondateur de WikiLeaks explique que son organisation « enquête pour savoir ce qu’il s’est passé dans le cas de Seth Rich, mais n’est encore parvenue à aucune conclusion – ce type de situations nous inquiète », et inquiète aussi les sources de WikiLeaks, affirme-t-il.

Julian Assange on Seth Rich
Durée : 02:03

Pour mener son enquête sur la mort de Seth Rich, le site a lui aussi promis une récompense financière à toute personne qui fournirait des informations : WikiLeaks offre ainsi 20 000 dollars (18 000 euros) pour tout renseignement permettant de faire condamner l’auteur du meurtre.

La source des « DNC leaks » au cœur de la campagne

L’identité de la source de WikiLeaks dans l’affaire des courriels du DNC est devenue une affaire d’Etat aux Etats-Unis. Le camp Clinton a accusé la Russie d’avoir fourni ces messages à WikiLeaks, et a violemment attaqué le candidat républicain Donald Trump lorsqu’il a suggéré que Moscou pouvait peut-être aider le peuple américain à retrouver les courriels manquants dans l’affaire du serveur e-mail personnel de la candidate démocrate. La passe d’armes avait tourné à la crise diplomatique, le Kremlin ayant formellement démenti tout lien avec le piratage des courriels et leur publication.

WikiLeaks a depuis plusieurs semaines laissé planer l’ambiguité sur l’identité de sa source. Le site affirme systématiquement ne pas connaître l’identité des personnes qui lui transmettent des documents – son système d’envoi de fichiers est spécifiquement conçu pour être anonyme. Mais depuis la publication des « DNC leaks », Julian Assange a, à plusieurs reprises, fait allusion au fait que les documents avaient pu être fournis par une source interne au DNC, tout en niant tout lien avec la Russie.