A Montevideo (Uruguay), le 17 juillet 2016. | Matilde Campodonico / AP

Les députés italiens sont attendus à la rentrée par une proposition de loi sur la légalisation du cannabis. Formellement, elle est inscrite au calendrier de septembre de l’Assemblée. Mais, faute d’accord après une première discussion générale qui a eu lieu en session plénière, à la fin du mois de juillet, elle va devoir reprendre le chemin des commissions parlementaires Justice et Affaires sociales. Là où l’attendent près de 2 000 amendements – surtout d’Area Popolare, les centristes de la majorité de centre-gauche décidés à s’opposer à toute nouveauté en la matière.

A l’origine de ce texte, il y un constat d’échec : la répression n’a pas empêché la diffusion de la consommation de cannabis et a engorgé les tribunaux. D’autant que jusqu’en 2014, quand un décret appelé « vide-prisons » a effacé l’amalgame voulu par la droite entre drogues légères et dures, relevait du pénal au-delà d’une dose personnelle limitée à un demi-gramme. La Direction nationale anti-mafia considère que la légalisation conduirait ainsi à libérer des ressources essentielles aussi bien pour les forces de l’ordre que pour la magistrature.

« Usage récréatif personnel »

Le texte soumis aux députés ne remet pas en cause l’interdiction de la vente du cannabis entre particuliers ni d’en fumer dans les lieux publics ou au travail. Il se limite à autoriser la possession de 5 grammes pour « usage récréatif personnel » – élevés à 15 grammes à la maison – et la culture, chez soi, de 5 plants de cannabis, au maximum, exclusivement pour des besoins thérapeutiques confirmés par prescription médicale. Et un peu à l’image de l’industrie du tabac, l’Etat pourrait faire cultiver et vendre du cannabis.

Le groupe hétéroclite de 221 députés et 72 sénateurs – en grande partie du Mouvement 5 étoiles (M5S), du Parti démocrate (PD), de la gauche (SI) ainsi que des élus de droite – qui a signé la proposition, doit faire face au « non » des catholiques. Un non qui pèse lourd chez les centristes. Et aussi dans les rangs du PD de Matteo Renzi où les parlementaires de sensibilité catholique sont prêts à faire barrage.

Le président du conseil n’a pas caché que la question n’est pas à l’ordre du jour. Il se passerait bien d’une autre bataille de droit après celle sur les unions civiles pour les homosexuels qui a risqué de faire vaciller sa majorité il y a quelques mois.

L’inspirateur de la proposition de loi, Benedetto Della Vedova, élu centriste, ancien militant du Parti radical de Marco Pannella, aujourd’hui secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, se dit malgré tout optimiste. Et ce malgré les levées de boucliers à droite – « une loi qui autorise à se droguer » - et les amendements dont l’objectif déclaré est de noyer la loi. Il se dit convaincu de pouvoir trouver, à l’intérieur du parlement, les supports nécessaires pour faire avancer la loi.

Pour Roberto Saviano, l’auteur de Gomorra, légaliser le cannabis peut servir à « affaiblir les organisations criminelles » en leur « soustrayant entre 8 et 11 miliards d’euros ». Selon l’écrivain qui vit depuis onze ans sous escorte policière et qui s’exprimait dans La Repubblica en soutien à la proposition de loi, il faut mettre fin à l’hypocrisie de ceux qui s’opposent au cannabis même comme « mal mineur ». « Car la réalité est que le fumeur de deux – voire un - paquets de cigarettes risque le cancer aux poumons alors que boire trois cocktails et se mettre au volant met en péril sa propre vie et celle d’autrui. En Italie, les victimes du tabac sont estimées à 80 000 par an, ceux de l’alcool 40 000. Pas une seule des drogues légères. »