Kyle Chalmers, champion olympique du 100 m le 10 août à Rio. | MARTIN BUREAU / AFP

Il était prévu qu’un Australien atterrisse sur la plus haute marche du podium, mais on pensait que ce serait l’autre. Cameron McEvoy avait nagé cette saison le 100 m le plus rapide de l’histoire en maillot traditionnel (47’’04), proche du record du monde réussi en combinaison (46’’91). Et c’est Kyle Chalmers qui a gagné.

Dans les tribunes hurlantes de la piscine olympique – en transe pour le champion local Marcelo Chierighini, finalement bon dernier –, beaucoup de spectateurs ont dû découvrir, mercredi 10 août, le visage du nouveau patron de l’épreuve reine de la natation, qui « a désormais le monde a ses pieds », selon McEvoy, 7e mais heureux pour son camarade de chambre au village olympique.

« En arrivant ici, je n’imaginais pas du tout que ça pouvait arriver. J’ai été l’outsider, ça m’a permis de faire mon truc de mon côté. »

Le visage en question sourit sous une coupe à la mode – cheveu ras sur un côté, longue mèche blonde sur le reste –, et comporte des yeux très bleus ainsi que quelques boutons d’une acné trahissant la jeunesse de son propriétaire : 18 ans. A ses côtés sur le podium, le Belge en argent Pieter Timmers (28 ans) et l’Américain en bronze Nathan Adrian (27 ans) font figure de « vétérans », blague ce dernier.

En cent vingt ans d’olympisme, seuls l’Allemand de l’Est Jörg Woithe, 17 ans lors des Jeux de Moscou en 1980, et le Japonais Yasuji Miyazaki, 15 ans à Los Angeles en 1932, avaient connu sacre plus précoce sur l’aller-retour. Epatant. Et imprévu, y compris par le principal intéressé, qui n’a pas l’air de comprendre ce qui lui arrive.

« J’ai failli vomir »

« En arrivant ici, je n’imaginais pas du tout que ça pouvait arriver, explique l’adolescent, qui débarquait à Rio avec le 8e chrono de la saison seulement. J’ai été l’outsider, ça m’a permis de faire mon truc de mon côté. » Arrivé avec un meilleur temps à 48’’03, Chalmers a battu le record du monde juniors lors des séries (47’’90), des demi-finales (47’’88), puis d’une finale (47’’58) qu’il a nagée comme toutes ses courses, lent à l’aller (avant-dernier à mi-chemin), tonitruant sur le retour.

Encore en tête à quelques coups de bras du mur, Nathan Adrian, sacré à Londres en 2012, a bien cru accomplir l’exploit rare de conserver son titre. Chalmers, lui, a réussi quelque chose de plus rare encore : rendre l’or olympique du 100 mètres aux Australiens, pour qui le succès de Michael Wenden aux Jeux de Mexico en 1968 était jusqu’à mercredi un équivalent de celui de Yannick Noah à Roland-Garros en 1983 pour les Français.

Quarante-huit ans de disette effacée, dans un pays où la natation est reine, Chalmers s’en rend-il compte ? « Je n’étais même pas au courant », avoue-t-il. A ses côtés, le chargé de communication de l’équipe australienne semble plus ému. « Il était temps qu’on gagne de nouveau cette épreuve. On a si souvent perdu alors qu’on avait le nageur le plus rapide… » James Magnussen, en 2012, battu d’un centième ; Eamon Sullivan, à Pékin, en 2008, battu par Alain Bernard ; Mark Stockwell à Los Angeles, en 1984, battu par un départ donné trop rapidement par le starter. Tous en argent.

« J’ai choisi le bon sport »

« Je ne suis pas la natation de près, s’excuse Chalmers. Je m’intéresse plus au basket, au foot et au football australien. » Il y a un an, le gamin d’Adélaïde hésitait encore entre ce dernier sport, mélange de football et de rugby où il aurait pu faire carrière comme son père, et la natation, où il a battait tous les records, dans les catégories de jeunes, du légendaire Ian Thorpe, quintuple champion olympique à qui il a été évidemment comparé.

« J’ai choisi le bon sport », rigole le champion, qui gardera, outre sa médaille, un autre souvenir en or de ses premiers Jeux, lui qui est fanatique de Kevin Durant, le basketteur américain engagé dans le tournoi olympique. « Avant chaque course, je regarde une vidéo qui s’appelle “Kevin Durant King Kong”, explique Chalmers, avec une chanson plutôt cool en fond sonore. Mardi soir, avant ma demi-finale, j’avais ce morceau dans les oreilles quand je suis tombé nez à nez avec Durant. Ça m’a décroché la mâchoire, j’ai failli vomir. »

Au lieu de ça, le manageur de l’équipe d’Australie est allé discrètement filmer une vidéo de Durant souhaitant bonne chance au nageur pour la finale. Il la lui a montrée le matin de la course. Et Kyle Chalmers a gagné.