Des habitants de l’est d’Alep, contrôlé par les rebelles anti-Assad, se pressent pour acheter des produits frais arrivés dans la ville après la rupture du siège, jeudi 11 août. | ABDALRHMAN ISMAIL/REUTERS

La bataille d’Alep s’intensifie alors que les forces du régime et leurs alliés russes, décidés à reconquérir la totalité de la grande ville du nord de la Syrie, multiplient les frappes, y compris avec des armes chimiques, sur les quartiers de l’est contrôlés par la rébellion. « Nous sommes préoccupés par les informations faisant état d’une attaque chimique à Alep, le 10 août, qui aurait fait quatre morts et des dizaines de blessés », a déclaré, jeudi 11 août, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault. Interrogé à Genève, Staffan de Mistura, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, est resté prudent : « Ce n’est pas à moi de trancher la question de savoir si elle a vraiment eu lieu, même s’il y a beaucoup de preuves tendant à démontrer que c’est le cas. » Il s’agirait de barils de chlore largués par des hélicoptères, et seules les forces du régime en disposent.

L’administration américaine s’alarme aussi. « Nous prenons ces informations très au sérieux. Nous condamnons, comme nous l’avons fait dans le passé, tout recours aux armes chimiques », a affirmé la porte-parole du département d’Etat américain, Elizabeth Trudeau, dont le gouvernement est à l’origine, avec la Russie, d’une résolution de l’ONU, fin 2013, de démantèlement de l’arsenal d’armes chimiques de Damas. S’il était confirmé que le régime du président Bachar Al-Assad avait de nouveau utilisé de telles armes, cela constituerait une « violation » de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, a-t-elle précisé. Le 3 août, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) avait déjà dénoncé l’utilisation possible de chlore lors de frappes près d’Alep.

L’inaction de la communauté internationale alimente les groupes les plus radicaux et le soutien dont ils disposent à Alep

La situation humanitaire dans les quartiers rebelles, où vivent près de 300 000 personnes, reste toujours aussi préoccupante, même si « l’Armée de la conquête », coalition de mouvements islamistes et djihadistes, dont le Front Fatah Al-Cham (l’ex-Front Al-Nosra qui a au moins formellement rompu ses liens avec Al-Qaida) avait réussi, le 6 août, à briser le siège. La poursuite des combats empêche l’arrivée du ravitaillement. Moscou a proposé de suspendre « trois heures par jour » ses bombardements, mais cette « pause humanitaire » a été jugée insuffisante aussi bien par l’ONU que par les Occidentaux, qui conditionnent à l’acheminement des aides une reprise des pourparlers de paix de Genève, que Staffan de Mistura souhaite relancer fin août.

« Ce qui nous afflige le plus comme médecins est de devoir choisir qui vivra et qui mourra (…). En raison de capacités limitées, nous sommes contraints d’assister à l’agonie des enfants », affirment, dans une lettre ouverte à Barack Obama, quinze des trente-cinq médecins toujours présents dans l’est d’Alep. L’inaction de la communauté internationale alimente les groupes les plus radicaux et le soutien dont ils disposent à Alep. « Face au silence du monde, les assiégés considèrent comme les bienvenues toutes les forces qui combattent le régime pour sauver la population civile », constate, amère, Basma Kodmani, une des membres du Haut Comité des négociations, le regroupement des forces de l’opposition reconnu par la communauté internationale.