L’ancienne athlète Nacy Atterton a couru durant l’âge d’or du sprint australien. Aujourd’hui, elle entraîne Josh Clarke, l’Australien le plus rapide sur 100 m. | FABRIZIO BENSCH / REUTERS

Elle a l’âge d’être son arrière-grand-mère. Nancy Atterton a 82 ans. Lui, en a… 21. Joshua Clarke est le premier sprinteur australien à disputer les Jeux olympiques depuis 2004. Mais, plus que cette résurrection, c’est bien les soixante et un ans d’écart entre l’athlète et sa coach qui piquent la curiosité des observateurs.

Nancy Atterton n’est pas vraiment une anonyme en Australie. Avant de s’illustrer comme entraîneur, elle-même a connu une carrière sportive plus qu’honorable, foulant le tartan durant l’âge d’or du sprint australien, dans les années 1950, aux côtés des légendes Marlene Mathews, Betty Cuthbert et Marjorie Jackson. En 1954, elle décroche avec cette dernière une médaille d’or en relais (4 × 100 yards) aux Jeux de l’Empire britannique et du Commonwealth (devenus Jeux du Commonwealth) à Vancouver, entrant dans le panthéon de l’athlétisme australien.

« Moteur de Ferrari »

Ironie de l’histoire, c’est sa défaite en individuel lors de cette même compétition qui explique, selon elle, sa réussite en tant que coach. « Je pense que ce fut la meilleure des expériences. J’ai quitté la piste en ayant compris exactement pourquoi j’avais échoué, et ce qu’il fallait que je fasse pour courir plus vite. Je crois que tous les athlètes que j’ai entraînés ont bénéficié de mon expérience de 1954 », répète-t-elle à longueur d’interviews. Joshua Clarke n’est pas le premier athlète qu’elle conduit aux Jeux. Avant lui, il y eut notamment Miles Murphy (1988), Paul Greene (1996) et Patrick Dwyer (médaillé d’argent en relais en 2004).

La première fois que Nancy Atterton a repéré le potentiel de Josh, ce dernier avait 12 ans. Il étudiait à la célèbre King’s School de Sydney en year 7 (équivalent de la 5e). « Quand je l’ai vu sur une piste, j’ai su qu’il avait quelque chose en plus, confiait-elle début avril dans le Daily Mail Australia. Il paraissait courir sans efforts, c’est ce qui le distinguait des autres. » Pour résumer son « énorme talent », la coach file la métaphore automobile : « Il a un moteur de Ferrari mais un châssis de Holden [le constructeur automobile national]. Désormais, il façonne celui-ci pour qu’il soit aussi solide que le reste. »

Près de dix ans après leur rencontre, leur relation a pris une tournure affective, pour ne pas dire filiale, selon « Josh Clarke ». « C’est presque une grand-mère pour moi, résumait-il à Fox Sports en février. On discute de choses qui n’ont rien à voir avec l’athlétisme et elle me donne des conseils sur la vie. […] Ses méthodes sont un peu vieux jeu mais ça m’est plutôt bénéfique. Elle tire le meilleur de vous et vous botte le cul même lorsque vous êtes convaincu d’avoir atteint vos limites. »

« Expérience inestimable »

Son grand âge ? Il s’en moque : « Certes, il y a une grande différence entre nous mais ça n’est pas un obstacle dans cette discipline, son expérience est au contraire inestimable. Elle a des années et des années de coaching derrière elle avec tant d’athlètes de très haut niveau. » L’athlétisme d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui, réservé aux amateurs, qu’elle pratiquait à son époque, le plus souvent sur des pistes en herbe, à Sydney. « Quand je courais, il n’y avait pas de fast-food et l’obésité n’était pas développée comme aujourd’hui. Mais je suis chanceuse avec Josh car il a la tête sur les épaules. Il a une détermination un peu démodée », expliquait-elle en janvier au Courier-Mail.

Clarke, qui ne s’entraîne sérieusement que depuis cinq ans, possède un record personnel de 10’’15, réalisé en février à Canberra. Soit le cinquième meilleur chrono enregistré par un sprinteur australien. Un temps cependant très loin des 9’’58 établis par Usain Bolt en finale des championnats du monde à Berlin, en 2009. A Rio, s’il devait s’aligner dans la même série que le Jamaïcain, le gamin de Sydney n’a pas l’intention de se laisser intimider : « C’est l’un des plus grands noms de l’athlétisme mondial. Ce serait un honneur de courir à ses côtés, mais il faudra que je reste concentré sur ma course. »

Selon Mrs Atterton, Josh sera plus vraisemblablement au pic de sa carrière à Tokyo, en 2020, mais elle le voit bien claquer un nouveau record personnel sur la piste brésilienne, voire passer sous la barre des 10 secondes. Jusqu’à aujourd’hui, un seul athlète australien y est parvenu : Patrick Johnson (9’’93), en 2003. La silhouette de Clarke et son 1,78 m lui rappellent plutôt celle de Hec Hogan, le dernier Australien à avoir remporté une médaille sur 100 m (bronze), en 1956, lors des Jeux de Melbourne. C’était il y a soixante ans, à l’époque où Nancy n’était encore qu’une jeune femme de 22 ans.