Le Français, recordman d’Europe (9 s 86), peut viser un podium au 100 m des Jeux de Rio, dont les séries débutaient samedi midi. | BEN STANSALL / AFP

« Rien à faire ». Elle revient souvent, cette phrase, dans la bouche de Jimmy Vicaut, à l’heure de répondre aux journalistes. « Rien à faire » de l’état de forme de Bolt. « Rien à faire » de courir à côté d’un ex-dopé récidiviste, en l’occurrence l’Américain Justin Gatlin. Le Français ne veut pas s’étendre sur la concurrence. A vrai dire, sur presque tous les sujets, il n’est pas très bavard.

Une manière pour le sprinteur, recordman d’Europe du 100 mètres (9 s 86), de montrer qu’il est déjà complètement concentré sur son épreuve. Les séries commencent samedi 13 août à midi au stade olympique de Rio (17 heures en France). Avant de se conclure, si tout va bien pour le Français, par une finale électrique dans la nuit de dimanche à lundi, où le Jamaïcain Usain Bolt tentera de décrocher sa septième médaille d’or.

Pour ses deuxièmes Jeux, Vicaut espère faire mieux qu’à Londres où, à tout juste 20 ans, il avait été éliminé en demi-finale. Il a dû se livrer, plutôt détendu, à un marathon médiatique au club France, trois jours plus tôt. Entre les interviews des radios, des chaînes de télévision, ou celles des sites Internet de ces mêmes chaînes de télévision, il a fallu tendre son dictaphone au milieu des collègues de la presse écrite. Et, pour grappiller quelques réponses supplémentaires, se livrer à un ultime exercice périlleux : l’interview-au-pas-de-course-sous-la-pluie-de-Rio. Extraits.

Quels sont vos objectifs pour ces Jeux, les deuxièmes de votre carrière ?

Etape par étape, essayer d’aller le plus loin possible. Sans prise de tête.

Il a beaucoup été question de l’état de santé de Bolt (gêné par des blessures) ces dernières semaines. Comment voyez-vous cela, de loin ?

Je n’en ai rien à faire.

Comment vous êtes-vous remis de la déception des championnats d’Europe d’Amsterdam (6-10 juillet) ? Largement favori au départ du 100 mètres, vous aviez finalement terminé troisième de la finale.

Eh les gars, c’est fini, c’est bon… De temps en temps il faut bien en louper une. Je l’ai foirée, complètement. Je me suis mis trop de pression. L’objectif principal, c’est les Jeux olympiques. Les Europe, ça a été une déception, mais après il faut passer à autre chose. Il faut avancer. Cet échec, ça peut être bien pour l’avenir.

Le débrief avec votre entraîneur, Guy Ontanon, a-t-il été long après Amsterdam ?

Non. J’ai plus débriefé avec mon préparateur mental. Je pense que j’étais prêt, mais je me suis mis trop de pression. J’étais tellement attendu. J’ai complètement foiré. Ça arrive.

Du coup, après cet échec, en juillet, vous êtes parti à Lyon pour vous entraîner, vous isoler un peu.

Non, j’ai changé de contexte parce que ça me saoulait un peu d’être à l’Insep [l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, à Paris] tout le temps. Là, je suis vraiment content, tout va très bien. Ça m’a fait du bien de partir à Lyon.

N’est-ce pas trop stressant de se dire que la principale échéance est toute proche ?

Je suis détendu pour le moment [mercredi]. Je me suis assez entraîné pour ça, j’ai pris de la maturité, de l’expérience. Il me reste trois courses à faire, au maximum, à cent pour cent, pour aller le plus loin possible.

Comment mieux gérer la pression qu’à Amsterdam ?

A Rio, je serai outsider, pas favori. Tout le monde a faim de médailles. Le but, c’est d’aller le plus loin possible.

Récemment, il y a eu des polémiques sur la présence aux Jeux de sportifs suspendus…

[Il interrompt, moqueur.] Ah bon ? Je ne savais pas.

A Rio, vous allez sûrement croiser et courir au côté de l’Américain Justin Gatlin, déjà suspendu deux fois pour dopage. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Rien du tout. Je pense que s’il est là, c’est que l’IAAF [la fédération internationale d’athlétisme] l’a excusé, non ? A partir de ce moment-là… De toute façon, ce n’est pas à moi de choisir les sanctions. Je n’en ai rien à faire de courir contre un gars qui a été chargé. Sur le plan mental, c’est que tu deviens faible si tu commences à te charger. Après c’est fini maintenant, c’est pardonné. Personne n’oublie qu’il a été chargé, mais désormais quand les gens voient Gatlin, ils sont souriants dans les stades.

Même si ce n’est pas vous qui décidez des règles, cela vous paraît-il trop sévère ou nécessaire, de suspendre des athlètes à vie ?

Ce n’est pas moi qui décide des sanctions. Je ne suis pas payé pour ça, je suis payé pour courir.

Mais vous pouvez tout de même avoir un avis sur la question…

Que je garderai pour moi.