Eugène Atget se serait régalé. S’il avait pu arpenter l’immensité du parc olympique où se concentrent une bonne partie des installations sportives et du public des Jeux de Rio, le photographe des petits métiers de Paris aurait pu canarder à tour d’index, tant sont nombreux les petits boulots, à la fois jobs infernaux et activités vitales pour le bon fonctionnement de cette espèce de Disneyland du sport.

Ne disposant malheureusement pas de la chambre photographique et encore moins du talent d’Atget, il a fallu se contenter de mauvais clichés pris à l’aide d’un téléphone intelligent, mais qu’importe. L’essentiel était ici de saluer ces petites mains courageuses qui viennent, parfois bénévolement, faire en sorte que le cirque tourne correctement.

Voici donc Artur, une petite main qui en possède une grande, dont il se sert pour indiquer l’entrée du parc aux spectateurs, et pour rendre hommage au vainqueur du 100 m de ce soir. Sachez qu’Artur travaille gratuitement, pendant quatre heures, et qu’il a le droit de faire des pauses de temps en temps pour aller se rafraîchir.

Mateus passe aussi quatre heures par jour debout, mais lui touche un salaire et, en plus, assiste de temps en temps aux compétitions grâce au sponsor officiel des Jeux pour lequel il bosse. Son rôle est d’indiquer aux VIP invités par la marque en question par où se trouve l’épreuve qu’ils sont venus voir. Chaque sponsor majeur des aligne ses propres homme-panneaux, on voit donc plantés un peu partout ces hommes-Coca, des hommes-Cisco, des femmes-Samsung, etc.

L'arbitre de chaise devant le site du tennis au centre olympique de Rio
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Celso, lui, est autorisé à s’asseoir, en l’air, tel un arbitre de chaise de tennis. Ça tombe bien, il a justement pris place devant les courts où se déroule le tournoi olympique, pour accueillir les spectateurs avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir, en dépit de son salaire de zéro réal de l’heure. Notez que Celso fait un boulot dangereux les jours de grand vent, comme Rio en a connu un ou deux depuis les débuts des Jeux.

Des centaines de milliers de personnes se pressent ici tous les jours, et produisent des centaines de milliers de tonnes de déchets qu’il faut bien évacuer. Gloire aux éboueurs du parc olympique qui, sans vouloir me vautrer dans la délation, balancent indistinctement dans leur benne unique le contenu des poubelles vertes, grises et oranges, c’est-à-dire les poubelles pour les déchets recyclables, les poubelles pour les déchets non-recyclables, et les poubelles fourre-tout, qui ont donc clairement le dernier mot.

De tous les petits métiers de Rio, celui de Wagner est celui qui semble le plus ingrat : garder la sortie du parc olympique, et ouvrir la porte aux rares journalistes restés travailler jusqu’à pas d’heure au bord de la piscine, ou d’un terrain de basket. Une nuit de solitude, véritable invitation à l’introspection, à la méditation, à la réflexion métaphysique, à la rêverie, à la création poétique ou à l’ennui mortel. « Je reste là jusqu’à sept heures du matin », explique le militaire. Et depuis quelle heure est-il là ? « Sept heures du soir. » Ah. Bon courage.

Bettina est également une couche-tard. La responsable du centre de presse de la piscine olympique ne regagne jamais sa chambre avant 5 heures du matin, le temps que les journalistes à qui le décalage horaire le permet bouclent leurs articles, les veinards.

La nuit, après avoir dit au revoir à Bettina, et avant de saluer Wagner, on peut croiser ici ou là un réparateur de parc olympique.

Et le lendemain matin, on tombe sur des prosélytes de touts bords, une musulmane venue de Sao Paulo, des juifs venus d’Australie, et de nombreuses grappes d’évangéliques, qui vous expliquent tous pourquoi leur religion est mieux que celle du voisin. A ce sujet, vous pouvez relire l’article de notre correspondante au Brésil, « Les athlètes de la foi ».

Voici le distributeur de préservatifs humain, que nous n’avons malheureusement pas eu la chance de rencontrer, mais qui ne nous aurait de toute façon été d’aucune utilité puisque nous sommes ici pour travailler.

Et l’autre métier rigolo de ces Jeux, celui du maître-nageur posté au bord du bassin, chargé de sauver la vie de Michael Phelps au cas où celui-ci aurait subitement oublié comment nager au milieu de son 200 m papillon, dont nous parlions déjà là, et que le New York Times détaillait plus en longueur là.

Il faudrait un article trois fois long comme celui-ci pour rendre hommage aux dizaines de petits métiers olympiques. Impossible de conclure sans en évoquer un dernier, car enfin, et surtout, et enfin surtout, voici Vinicius. Vinicius est la mascotte des Jeux olympiques de Rio. Un membre de la rédaction de Rio ne répond plus en étant litérallement tombé amoureux, vous devriez bientôt lire dans cette colonne un entretien avec le chat jaune qui, il faut bien le dire, possède un groove surnaturel.

Vinicius, la véritable star de Rio
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(© @JeuneGuillou)