Bill Gates l’avait constaté il y a quelques années : depuis le brevet sur la chasse d’eau déposé en 1775 par l’Ecossais Alexander Cumming, rien ou presque n’a changé dans les toilettes. Une panne d’innovation en passe de se terminer. C’est même désormais l’effervescence, les équipes du monde entier rivalisant d’ingéniosité pour inventer les toilettes du futur. Enjeu : mettre au point des équipements simples, efficaces et peu coûteux, pour améliorer le sort des 2,5 milliards de personnes qui n’ont pas accès au moindre lieu d’aisances – avec les conséquences que l’on connaît pour leur santé, leur dignité, et l’environnement.

Jack Sim, un entrepreneur de Singapour, a été le premier à se mobiliser. A sa retraite, en 2001, il a créé l’Organisation mondiale des toilettes. La Journée mondiale des toilettes, qu’il organise tous les 19 novembre depuis 2001, bénéficie désormais de l’estampille officielle de l’ONU, et du soutien financier d’Unilever. Chaque année, le nombre de manifestations va croissant.

Pour 2014, il incite notamment les heureux possesseurs de toilettes à se photographier sur place, et à poster ces selfies sur les réseaux sociaux.

Car le pari de Jack Sim est que les toilettes deviennent un attribut statutaire. Dans son quartier ou son village, chacun doit être aussi fier de cet élément d’hygiène que d’avoir un téléphone portable. « Il faut que cela donne envie au voisin d’avoir le même », explique-t-il souvent.

Energie solaire et recyclage

Encore faut-il que les équipements soient disponibles. C’est là où Bill Gates intervient. Sa fondation a lancé en 2011 un concours pour inciter les chercheurs du monde entier à « réinventer les toilettes ». Parmi les projets, certaines fonctionnent à l’énergie solaire et produisent de l’hydrogène et de l’électricité grâce à la décomposition des matières fécales et à l’urine, d’autres recyclent les excréments sous forme de charbon et de minéraux

« Le travail sur certains prototypes a assez avancé pour qu’on puisse le tester sur le terrain », se réjouit Béatrice Néré, l’une des responsables de la fondation Gates en Europe. C’est le cas des toilettes portables, sans eau ni électricité, qui commencent à être utilisées en Chine et en Inde. Le nouveau premier ministre indien, Narendra Modi, en fait une de ses priorités. L’objectif est maintenant de ramener leur coût de 5 à 1 centime d’euro par utilisateur et par jour.

Une première machine Omni-Ingestor financée par la Fondation Gates va aussi être installée sous trois semaines à Dakar, au Sénégal. Une sorte de camion qui peut transformer les déchets de quelques milliers de personnes en électricité, en eau chaude et en cendres. Bill Gates a déjà dépensé quelque 400 millions de dollars (321 millions d’euros) dans ce programme. Il est prêt à réinvestir. Imaginer les toilettes de demain mérite bien cela.