Pierre Le Coq et Charline Picon, dimanche 14 août, à Rio de Janeiro. | WILLIAM WEST / AFP

Au cas où, une inscription en portugais, puis en anglais : « Baignade interdite ». Le sable fin est tentant, le soleil aussi, mais il faut faire de la place aux planches à voile, à Rio de Janeiro, dans la baie de Guanabara. Dimanche 14 août, deux véliplanchistes ont rapporté des médailles olympiques à la France. L’or pour Charline Picon, le bronze pour Pierre Le Coq, dans la même catégorie au nom barbare de « RS : X », d’après celui de son modèle de fabrication.

D’ordinaire, les Cariocas ont une autre raison d’éviter toute trempette. « Je ne viens pas ici pour nager, reconnaît Janete Melo, retraitée, à l’ombre d’un parasol. L’eau n’est pas propre, ce n’est pas bon pour la santé. » Pour balayer l’horizon de ce quartier huppé, un geste de la main : « Je viens ici parce que je trouve cette plage magnifique, il faut la montrer au monde entier. » En arrière-plan, le Pain de Sucre et son téléphérique pour convoyer les touristes tout en haut du sommet. Plus loin, la silhouette du « Christ rédempteur », perché sur le Corcovado.

« Un gâchis »

Mais dans l’eau, fini de rêver : ce coin passe pour l’un des plus pollués de la ville. Pieds nus, les joues colorées, une quarantaine de spectateurs bleu-blanc-rouge assistent au premier titre de la voile française aux Jeux depuis 2004. Nul intrépide pour se risquer à l’eau. « On nous a plutôt conseillé la plage d’Ipanema pour aller surfer », raconte Guillaume Prado, étudiant en médecine, dans le boucan des hélicoptères de télévision.

Le touriste breton est ici pour applaudir la troisième place de son ami « Pierrot » Le Coq. Moment de pause : « Là, regardez. » Du doigt, il indique un objet flottant non identifié. Peut-être l’un de ces sacs plastiques qui avaient justement « plombé » la troisième manche préliminaire de Le Coq, lundi 8 août, comme le raconte lui-même le sportif : « Je m’en étais pris un dans l’aileron de mon bateau, ça m’avait fait perdre dix places et j’avais fini 12e de cette manche. Sur le coup, j’étais un peu vert, il fallait que ça m’arrive aux Jeux olympiques ! »

Pierre Le Coq, dimanche 14 août, à Rio de Janeiro. | WILLIAM WEST / AFP

Sandwich à la main, Le Coq, 27 ans, peut aujourd’hui reprendre des couleurs plus normales. L’incident lui aura coûté une belle frayeur, mais pas cette médaille de bronze qu’il porte autour du cou :

« Même si les organisateurs ont essayé de nettoyer tout ce qu’il faut, quand je vois cette baie incroyable, je me dis que la pollution est un gâchis. Peut-être que les Jeux auront au moins le mérite de soulever le problème… »

« Scénario de cinéma »

Sensibilisés, de nombreux Brésiliens le sont déjà et attendaient beaucoup de ces Jeux pour un assainissement. « Par rapport à ces trois dernières années, la qualité du plan d’eau s’est beaucoup améliorée, veut croire Dorian van Rijsselberghe, champion olympique pour la deuxième édition d’affilée, mais il reste encore beaucoup de choses à améliorer. » Reconnaissable à son survêtement orange, le Néerlandais précise qu’il joue au pays les ambassadeurs pour la Plastic Soup Foundation, contre la pollution des océans.

Un problème mondial, loin de se circonscrire aux eaux cariocas et au parc de Flamengo, près duquel vont et viennent les pigeons. « Il y avait déjà eu des polémiques sur l’eau pour les Jeux de Barcelone [1992] et une autre, énorme, pour ceux de Pékin [2008] », rappelle Guillaume Chiellino, directeur heureux mais lucide des équipes de France de voile.

Au bout de plusieurs mois, la question commence à agacer Charline Picon. La nouvelle championne olympique préfère raconter « ce scénario de cinéma » qui lui a permis de passer en tête du classement général, lors de l’ultime manche. « C’est bon, ça suffit, on parle de sport », insiste son entraîneur, Cédric Leroy, tongs aux pieds.

Charline Picon, dimanche 14 août, à Rio de Janeiro. | WILLIAM WEST / AFP

S’il déplore que les océans soient devenus « la poubelle du monde », le Français tient à préciser : la championne du monde et désormais olympique, 31 ans, « a passé sept mois à Rio depuis 2013. Elle a plongé dans ces eaux quand elle a gagné au test-event de 2014, et elle n’en a pas été malade ». La preuve par le titre.

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