Dalian Atkinson avec son maillot d’Aston Villa, en 1994. | Action Images / REUTERS

C’est une mort qui serait probablement passée presque inaperçue si la victime avait été anonyme. Mais Dalian Atkinson était une ancienne star du football, et son décès lundi 15 août après avoir reçu plusieurs décharges de Taser tirées par la police a provoqué de vives réactions au Royaume-Uni. En particulier, l’utilisation de ces armes, qui envoient une violente décharge électrique, commence à causer polémique.

M. Atkinson avait longtemps joué pour Aston Villa dans les années 1990. Sa carrière l’avait aussi menée en Espagne, au Real Sociedad, et en France, à Metz. Depuis sa retraite en 2001, l’homme avait peiné à trouver une nouvelle activité et il avait de sérieux problèmes de santé, une insuffisance rénale nécessitant notamment des dialyses régulières.

Trois tirs de Taser

Dimanche 14 août au soir, il s’est rendu, très agité, à Telford, près de Birmingham, chez son père, Ernest Atkinson, qu’il a violemment attaqué. Après son décès, son frère Kenroy racontait à la presse britannique : « Mon frère était devenu complètement fou. Il était frénétique et déprimé. Il avait un tube à l’épaule pour sa dialyse qu’il avait arraché et il était couvert de sang. Il a attrapé papa par la gorge et lui a dit qu’il allait le tuer, et qu’il m’avait déjà tué moi, ainsi que mon frère Paul et ma sœur Elaine. »

La police est intervenue rapidement. Un officier a tiré deux premières décharges de Taser. Selon le Sun, l’ancien footballeur lui a alors lancé, défiant : « Ça ne marche pas. » Une troisième décharge a été tirée, qui a mené à son décès, sans doute d’un arrêt cardiaque. La police des polices, l’Independent Police Complaints Commission, a ouvert une enquête.

L’affaire pose la question de l’utilisation du Taser. Traditionnellement, la police britannique n’est pas armée. Si le nombre de policiers portant une arme à feu a fortement augmenté depuis une quinzaine d’années, il reste relativement réduit. En revanche, le Taser s’est généralisé. Désormais, chacune des 43 forces de police du Royaume-Uni dispose d’unités équipées de ces pistolets à impulsion électrique, envoyant des décharges de 50 000 volts.

Leur utilisation devient courante depuis que le gouvernement britannique a autorisé en 2009 la généralisation du Taser. L’an dernier, la police britannique y a eu recours à plus de 10 000 reprises, en hausse de 50 % sur cinq ans. Dans la majorité des cas, les policiers se sont contentés de dégainer et éventuellement de pointer le laser de guidage sur l’individu interpellé. Mais dans 19 % des cas (1 921 cas), une décharge électrique a été tirée. Rien qu’à Londres, au premier trimestre 2016, la police a utilisé cette technique à 69 reprises.

« Régulation pas assez stricte »

Les décès sont relativement rares. S’il n’existe pas de statistiques officielles, l’association UK Black Lives Matter parle de dix morts documentées en Angleterre et au Pays de Galles en une décennie. Selon Sophie Khan, avocate spécialisée dans la défense des victimes de Taser, les dérapages sont plus nombreux aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie, où la police a tendance à appuyer sur la gâchette au-delà des cinq secondes maximales recommandées (la décharge électrique continuant tant que le bouton est appuyé).

Mais même au Royaume-Uni, Mme Khan s’inquiète de la banalisation du Taser. « La régulation n’est pas assez stricte. L’entraînement pour les policiers armés est très rigoureux alors que pour le Taser, il ne consiste qu’à trois ou quatre jours de formation, et d’une remise à niveau d’une demi-journée par an. Franchement, c’est une blague. » Selon elle, dans un pays comme le Royaume-Uni, où les armes à feu sont rares, de tels pistolets à décharge électrique ne sont pas nécessaires, et il est possible d’appréhender un suspect sans y recourir. « Ça ne devrait être utilisé que s’il y a un vrai danger de mort. »

La police réplique en affirmant que le Taser est efficace et qu’il est une juste demi-mesure par rapport aux armes à feu. Le 3 août, un forcené avait attaqué au couteau des passants au hasard à Russell Square, au centre de Londres, faisant un mort. L’incident avait initialement été pris pour un acte terroriste, mais la police avait pu immobiliser l’agresseur grâce à une décharge électrique, écartant ensuite la piste terroriste.