Joao Havelange, en 2009. | © Jorge Adorno / Reuters / REUTERS

Joao Havelange pensait récolter les honneurs de son grand âge, vendredi 5 août, assis à la tribune du stade Maracana, à Rio de Janeiro. Mais, diminué, l’ancien président de la Fédération internationale de football n’avait pas pu assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques dans sa cité natale. Et c’est dans un quasi-osctracisme que le Brésilien, qui a dirigé la FIFA pendant vingt-quatre ans (1974-1998), est mort dix jours plus tard, dans la matinée de mardi 16 août.

Décédé à l’hôpital Samaritano, à Rio, où il avait été interné il y a un peu plus d’une semaine à la suite d’une pneumonie, le centenaire, ancien membre du Comité international olympique, surnommé sur les réseaux sociaux « papi de la corruption », est reconnu par les médias brésiliens comme l’un de ceux qui ont contribué à faire de Rio la ville olympique de ce mois d’août 2016. Premier non-Européen aux commandes de la FIFA, on souligne aussi qu’il a ouvert les portes de la Coupe du monde aux pays africains et asiatiques, faisant prendre à l’organisation une autre dimension.

La Confédération brésilienne de football, qu’il dirigea de 1958 à 1973, a fait part de sa « douleur ». L’institution a décrété sept jours de deuil. Le comité olympique, lui, a prévu de maintenir le drapeau brésilien en berne ce mardi. « Joao Havelange plus grand dirigeant du football brésilien », titrait le quotidien Estado de Sao Paulo. Havelange est qualifié d’« homme décisif » pour la réalisation des Jeux de Rio.

« Arrogance »

Mais, hormis ces quelques louanges, les réactions officielles étaient bien discrètes dans la matinée de mardi. Et certains médias ne manquaient pas de souligner les traits de caractère plus polémiques de l’ancien athlète : sa tendance tyrannique, sa soif de pouvoir et son avidité prononcée, révélée par le scandale de corruption de l’International Sport and Leisure (ISL), la société de marketing liée à la FIFA et chargée de revendre les droits marketing des Coupes du monde de 1982 jusqu’à sa faillite, en 2001.

« Un homme qui s’est enrichi, et a enrichi la FIFA et ses partenaires, s’est disputé puis réconcilié avec Pelé et mourra fâché avec Maradona », résume le quotidien Folha de Sao Paulo. Du roi Pelé, le dirigeant dira qu’il « n’a pas été un génie, seulement un joueur de foot ». L’autre Dieu du football, l’Argentin Maradona, sera lui qualifié de personnage « sans importance pour l’histoire du football » par Haverange.

Dans une tribune particulièrement sévère mise en ligne par le même quotidien, Juca Kfouri, journaliste sportif, décrit un homme qui dirigea avec « arrogance » la Confédération brésilienne de football (CBF, 1958-1973) en sympathisant avec « tous les présidents et dictateurs du Brésil qu’il croisera sur son chemin ». A la FIFA, poursuit le journaliste, « il s’unira à la puissante famille Dassler qui fit fortune en fabriquant les bottes des militaires nazis, propriétaire d’Adidas, et commença à transformer l’entité en un empire ». « Havelange a fait la pire espèce de politique en se disant apolitique, ce qui lui permit de se rapprocher étroitement des dictatures d’Afrique et d’Amérique du Sud », écrit-il.

« Cent ans de honte »

La déchéance de l’ancien président de la FIFA fut cruelle. En mai, pour son centième anniversaire, le quotidien Folha de Sao Paulo titrait : « Havelange fête ses cent ans dans l’ostracisme ». L’homme impliqué dans le scandale de corruption ISL, qui l’a obligé à démissionner du CIO en 2011 puis à renoncer deux ans plus tard à ses fonctions de président d’honneur de la FIFA, avait alors fait le deuil des mondanités. « Le docteur Joao veut être oublié », avait expliqué Irene Lima, sa secrétaire particulière depuis cinquante-six ans.

« Joao Havelange est un Brésilien qui a perdu une grande opportunité d’élever positivement le Brésil, a réagi Romario, ancien joueur de la Seleçao aujourd’hui sénateur du Parti socialiste brésilien. Son succès a été annihilé par un honteux schéma criminel qu’il a monté au sein de la FIFA et de la CBF. Cent ans de honte qui ne seront pas oubliés. »

Fernando Henrique Cardoso, président du Brésil de 1995 à 2003, n’a, lui, pas attendu les scandales pour dénigrer l’ancien nageur. En 1997, quand Joao Havelange, vent debout contre la « loi Pelé » visant à abolir une sorte de « droit de propriété » des joueurs vis-à-vis de leur club, menaçait d’exclure le Brésil de la Coupe du monde, Cardoso aurait conclu : « Pauvre Havelange. Il est gâteux. »