Renaud Lavillenie, en train de perdre le concours du saut à la perche parce que le public brésilien siffle un peu fort. | DOMINIC EBENBICHLER / REUTERS

On a hâte d’entendre Christophe Lemaître justifier son élimination en demi-finales du 200 m la nuit prochaine (3 heures) par « les chaussures dorées de Bolt, qui sont trop éblouissantes ». Ou Tony Parker, une fois sorti en quart de finale par les Espagnols (19 h 30), râler parce que « Pau Gasol, quand même, il est trop grand, 2,13 m quoi, c’est pas du jeu ». Ou encore Mahiedine Mekhissi expliquer sa défaite sur 3 000 m steeple (16 h 50) par « l’eau de la rivière est trop chaude, j’ai pas l’habitude à Reims, alors que les Kényans… ».

On exagère, mais c’est presque devenu un jeu : quel sera le prochain prétexte avancé par un athlète français pour se dédouaner après un échec ? La délégation tricolore à Rio, ce sont sept médailles en or, onze en argent, dix en bronze, mais aussi quelques excuses en carton et autres propos d’une mauvaise foi en titane. Prononcés à chaud, par des sportifs qui ont encore la tête qui fume et le sang qui bout de déception après avoir vu leur rêve olympique se briser, alors on ne leur en veut pas, et on veut bien les comprendre.

On veut bien comprendre que si Renaud Lavillenie a perdu son titre olympique, ce n’est pas parce qu’il a sauté moins haut (5,98 m) que le Brésilien Thiago Braz da Silva (6,03 m), mais parce que le public sifflait : « Quand t’as 40 000 personnes en train de te siffler alors que t’es en train de tenter ta meilleure performance… Sentir de la méchanceté contre soi, ça perturbe forcément. S’ils ne veulent encourager que les Brésiliens et cracher sur les autres, il ne fallait pas organiser les Jeux ici. Je n’ai jamais vu ça. Ça n’a pas dû arriver depuis Jesse Owens en 1936 à Berlin… »

Permettons-nous de citer ici le confrère Vincent Duluc, et sa référence au précédent épisode sifflesque célèbre, qui eut pour héros le perchiste polonais Władysław Kozakiewicz, aux Jeux de Moscou en 1980.

« Je n’ai pas été à la hauteur de Kozakiewicz », a d’ailleurs reconnu Lavillenie, qui a fini par se montrer désolé de sa comparaison hasardeuse entre le public brésilien de 2016 et celui de l’Allemagne nazie de 1936.

En Chine, on attend peut-être des excuses de Camille Lacourt qui, juste après sa défaite sur 100 m dos (5e), a très vite quitté le registre technico-tactique de sa course pour se lancer dans le registre technico-tactique des méthodes de préparation « à la chinoise ». Ainsi le nageur marseillais a-t-il d’abord expliqué que « ça [lui déplaisait] d’être battu par un Chinois [Xu Jiayu, deuxième] », avant de laisser comprendre pourquoi en commentant le 200 m qui venait de s’achever : « Je vois le podium du 200 m, ça me donne envie de vomir. Je suis très triste de voir mon sport évoluer de cette façon. Ça me dégoûte de voir des gens qui ont triché sur les podiums. Sun Yang [le médaillé d’or], il pisse violet ! [sic] » Référence à un contrôle antidopage positif en 2014. A la décharge de Camille Lacourt, le bassin olympique de Rio a constamment bruissé de commentaires sur le dopage, notamment en Chine, et trois jours après ses propos, la nageuse chinoise Chen Xinyi était contrôlée positive.

Vingt-quatre heures après Camille Lacourt, c’était au tour de l’haltérophile Bernardin Matam, huitième de la catégorie des moins de 69 kg, d’évoquer le dopage : « Si la Fédération internationale et le CIO font les choses correctement, je pense pouvoir gagner facilement au moins quatre places, parce que les cinq premiers ne sont pas clean. »

La natation française ne s’est pas fendue de commentaires amers qu’à la piscine du parc olympique, elle en a aussi semé sur la plage de Copacabana. D’abord seconde du 10 km en eau libre, puis disqualifée pour avoir gêné sa rivale italienne, au coude à coude avec elle, Aurélie Muller s’est carapatée sans dire un mot. Peut-être se douterait-elle qu’ils risquaient de dépasser sa pensée ? Francis Luyce n’a pas opté pour la même stratégie : « Il y a quand même des zones troubles, des zones assez particulières dans le cadre de la décision qui vient d’être prise, a fait savoir le président de la Fédération française de natation. Comme par hasard, une Brésilienne troisième, ça ne vous interroge pas ? En tout cas, moi, ça m’interroge. Je trouve cette décision honteuse, injuste et inqualifiable. Je garde espoir, j’espère qu’il y a une justice sur terre. » Le secrétaire d’Etat aux sports aussi, visiblement.

N’oublions pas de féliciter la Néerlandaise Sharon van Rouwendaal, médaillée d’or.

Francis Luyce, 11 avril 2014. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

L’injustice, parlez-en à nos judokas : deux d’entre eux ont ouvertement remis en cause la compétence des arbitres de leur vénérable sport. La première, Priscilla Gneto (moins de 52 kg), est restée plutôt discrète après avoir été disqualifiée dès le premier tour en raison d’une règle obscure, mais Cathy Fleury, son entraîneur, s’en est prise à ces idiots d’arbitres qui avaient eu la curieuse d’idée de l’appliquer : « Le judo c’est de grandes envolées, de magnifiques mouvements, qui nécessitent du travail. C’est la finalité. Et là, ce point de règlement prend finalement la même valeur qu’un superbe ippon. Ce n’est pas de l’injustice parce que c’est la règle. Mais je suis en colère contre la manière de l’appliquer. »

Pierre Duprat, lui, n’a pas pris de gants après son élimination chez les moins de 73 kg : « L’arbitre a gâché quatre ans de ma vie. Il ne connaît rien au sport de haut niveau. J’ai dominé le match. Le judo est en train de se détruire avec de telles décisions. J’ai produit, j’ai attaqué le premier. Je trouve ça lamentable d’être arbitré comme ça. Ce ne sont plus les judokas qui s’expliquent, ce sont les arbitres qui départagent. » Jean-Claude Senaud, directeur technique national du judo français, a instantanément corrigé Duprat : « Je ne veux pas entendre parler d’arbitrage. Ça fait partie du jeu. Ceux qui gagnent ici n’ont pas besoin de l’arbitrage. »

Les handballeuses françaises ont-elles aussi été recadrées par leur Fédération ? Quelques jours avant leur incroyable quart de finale victorieux face aux Espagnoles, les coéquipières d’Allison Pineau s’inclinaient d’un but contre la Russie, et c’était évidemment à cause du parquet : « C’est une catastrophe, il y a des lattes qui sont cassées, des trous des deux côtés du terrain. Une joueuse a failli se tordre la cheville, moi pareil. C’est quand même inadmissible dans ce genre de compétition. »

Pas de souci de revêtement, mais un problème de tenue pour la paire Kristina Mladenovic-Caroline Garcia, dont la défaite dès le premier tour du double féminin s’expliquait par le fait que la seconde ait dû changer de tenue en catastrophe avant la rencontre pour une histoire de règlement, une source de stress.

Puisqu’on parle vêtements, impossible de ne pas mentionner la mauvaise foi de Lighton Ndefwayi, qui fit plus fort que tous nos Bleus réunis : le tennisman zambien avança très sérieusement, un jour qu’il avait été vaincu par son compatriote Musumba Bwayla : « Il m’a battu parce que mon caleçon était trop serré, et parce que Bwayla pète quand il sert, et ça m’a fait perdre ma concentration. »

A part ça, quand on tape « mauvais perdant sport » dans YouTube, on tombe là-dessus :

Le plus mauvais perdant dans l'histoire du sport
Durée : 00:20