S’il enflamme le débat politique, l’arrêté pris le 28 juillet par le maire (LR) de Cannes, David Lisnard, interdisant les plages aux femmes vêtues d’un « burkini » ne devrait pas être remis en cause juridiquement avant le terme prévu de son application, le 31 août. Saisi le 12 août d’un recours contre cet arrêté par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et trois particuliers, le tribunal administratif de Nice n’a en effet pas retenu le caractère d’urgence sollicité, en considérant que la décision du maire ne constituait pas une « atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. »

Il a au contraire donné raison au maire de Cannes en relevant que, dans « le contexte des récents attentats islamistes survenus notamment à Nice », la mesure prise n’était pas « disproportionnée » par rapport au but poursuivi, « l’affichage de signes religieux ostentatoires, en l’espèce sous la forme de tenues de plage affichant leur religion » est de nature « à créer ou exacerber des tensions et un risque de trouble à l’ordre public. » « Le port d’une tenue vestimentaire distinctive, autre que cette tenue habituelle de bain, peut en effet être interprétée comme n’étant pas, dans ce contexte, qu’un simple signe de religiosité », souligne le juge administratif. Cette décision, dite « ordonnance de tri », ne peut faire l’objet que d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat, afin d’en contrôler sa légalité. Mais faute de caractère d’urgence, celui-ci dispose de plusieurs semaines pour se prononcer.

Divers recours envisagés

L’avocat du CCIF, Me Sefen Guez Guez, a tenté une autre voie procédurale en déposant mardi 16 août un référé suspension de l’arrêté municipal devant le tribunal administratif de Nice, mais le délai d’examen d’un tel recours est en moyenne de deux semaines. Dans un communiqué publié sur son site, le CCIF observe que le juge Dominique Lemaître, qui a signé l’ordonnance favorable à l’arrêté du maire de Cannes, avait déjà rendu en décembre 2013 une décision confirmant un autre arrêté municipal qui interdisait aux mères de confession musulmane le port du voile lors d’accompagnement de sorties scolaires. Cette ordonnance avait été infirmée en juin 2015 par le tribunal administratif de Nice, qui avait relevé que les règles de respect de la laïcité exigées des agents du service public ne pouvaient être imposées aux mères de famille hors des établissements scolaires.

La multiplication ces derniers jours des arrêtés municipaux anti-burkini ou des intentions exprimées en ce sens par les élus municipaux à Villeneuve-Loubet et Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes), Sisco (Haute-Corse), Leucate (Aude), Le Touquet et Oye-Plage (Pas-de-Calais) devrait toutefois faire l’objet d’autres procédures. Plusieurs associations de défense des droits de l’homme envisagent de déposer des recours devant les tribunaux administratifs de ces villes afin d’obtenir une décision de principe au-delà de la polémique d’un été particulier.