Paul Manafort, à Cleveland (Ohio), le 21 juillet. | AARON P. BERNSTEIN/REUTERS

Les enquêtes menées en Ukraine sur les agissements de l’ancien président Viktor Ianoukovitch, renversé en 2014, sont en passe de faire une victime collatérale en apparence très éloignée du marigot post-soviétique : Donald Trump. Le candidat républicain à la présidence a été contraint, après les révélations du New York Times du 15 août, de réorganiser son équipe de campagne en limitant les prérogatives de son directeur de campagne, Paul Manafort, qui se voit adjoindre un directeur exécutif, Stephen Bannon. Annoncé dans la presse, ce remaniement – le deuxième en deux mois – devait être officialisé mercredi. Il a été confirmé à l’agence de presse AP par M. Trump lui-même, qui s’est gardé de mentionner les ennuis de son directeur de campagne.

Selon les informations du New York Times, le nom M. Manafort apparaît dans la comptabilité secrète du parti de l’ancien chef de l’Etat ukrainien, et plus précisément dans un carnet manuscrit aujourd’hui aux mains du Bureau national anticorruption, un organe nouvellement créé à Kiev qui a confirmé l’authenticité du document. Cette comptabilité fait figurer Paul Manafort, qui était alors un proche conseiller de M. Ianoukovitch, comme le destinataire, entre 2007 et 2012, de 22 versements atteignant un montant total de 12,7 millions de dollars (11 millions d’euros). Rien ne prouve toutefois que ces sommes aient bien été versées.

Conseiller de dictateurs

Ces révélations constituent toutefois une sérieuse épine pour le camp républicain, alors que son candidat est déjà sur la défensive au sujet des relations – politiques et d’affaires – qu’il entretient avec la Russie. Lundi, M. Manafort avait démenti l’existence de paiements clandestins, mais le camp Clinton s’est empressé de faire le lien entre les affaires opaques du directeur de campagne de Donald Trump et les déclarations bienveillantes de ce dernier vis-à-vis de Vladimir Poutine.

Les informations sur le passé ukrainien de M. Manafort n’ont rien de nouveau et sont en grande partie publiques. Le lobbyiste de 67 ans a commencé sa carrière dans les années 1970 auprès du Parti républicain, avant de conseiller des dictateurs tels que le Zaïrois Mobutu Sese Seko ou le Philippin Ferdinand Marcos, mais aussi, donc, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch, qu’il a contribué à porter au pouvoir en 2010. ­Jamais M. Manafort, qui a continué après 2014 à travailler pour les anciens partisans du président déchu, n’a accepté de dévoiler ses émoluments.

Une des particularités du règne de M. Ianoukovitch est l’accaparement sans précédent des richesses nationales par le clan au pouvoir, et l’extrême porosité entre les sphères politiques et économiques. En servant ce système, M. Manafort pouvait-il ne pas être tenté d’en devenir un rouage ?

Le New York Times relève ainsi les tentatives du lobbyiste de conduire ses propres affaires en Ukraine, profitant de la protection que lui offraient ses liens avec la présidence. L’une de ces tentatives implique la création, avec le soutien de l’oligarque russe Oleg Deripaska, d’un fonds d’investissement qui, à travers une myriade de sociétés offshore, aurait servi à blanchir de l’argent public volé en Ukraine. L’affaire fait aujourd’hui l’objet d’une enquête en Ukraine, aux Etats-Unis et aux îles Caïmans.