Assa, une des soeurs d’Adama Traoré, lors d’un rassemblement à la mémoire du jeune homme, le 30 juillet à Paris. | DOMINIQUE FAGET / AFP

L’avocat de la famille d’Adama Traoré l’avait annoncé au Monde, début août : les proches du jeune homme de 24 ans, mort le 19 juillet des suites de son interpellation par des gendarmes à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise), souhaitent que l’enquête sur les circonstances de ce drame face l’objet d’un dépaysement. D’après Le Parisien du jeudi 18 août, le procureur général de Versailles, Marc Robert, envisage d’accéder à cette demande en saisissant la Cour de cassation, seule instance habilitée à prendre cette décision. Pour l’heure, le dossier est confié au procureur de Pontoise, directement placé sous son autorité.

« Nature des mis en cause »

M. Robert a confié au journal qu’il souhaitait ramener un peu de « sérénité » dans cette affaire. Le magistrat fait notamment valoir que « la nature des mis en cause », des gendarmes du Val-d’Oise, est un des éléments légitimant ce transfert. Le conseil des proches d’Adama Traoré avait fait valoir qu’il était nécessaire sortir du ressort juridictionnel dans lequel travaillent les individus qui ont interpellé le jeune homme. Actuellement, deux services d’enquêtes sont saisis, sous l’autorité d’un juge d’instruction : la section de recherches de Versailles de la gendarmerie et l’Inspection générale de la gendarmerie.

L’attitude du procureur de Pontoise, Yves Jannier, est elle aussi directement pointée du doigt par la famille. Son avocat avait dénoncé une communication d’« éléments contraires aux constatations ». Dernier désaccord en date entre les deux parties, les analyses toxicologiques réalisées sur le défunt. Jeudi 11 août, Yves Jannier a affirmé que la victime avait consommé du cannabis « moins de douze heures avant le décès », probablement « une à deux heures avant ». Le procureur contredisait ainsi les informations communiquées, la veille, par Me Bouzrou qui avait assuré que les examens démontraient « une absence de médicaments et de stupéfiants, et également une absence d’alcool ». Le procureur général de Versailles s’est gardé de critiquer M. Jannier, insistant sur le fait que cette demande de dépaysement n’est pas un désaveu.

« Syndrome asphyxique »

L’origine de la mort du jeune homme a été établie. Il s’agit d’un « syndrome asphyxique aspécifique » : Adama Traoré a manqué d’oxygène. Ce qui n’a pas encore été déterminé à ce jour, c’est si celui-ci a été causée par la technique dangereuse utilisée par les gendarmes pour le plaquer au sol, par la probable pathologie cardiaque dont il souffrait, ou encore par la conjonction de ces deux facteurs.

Quoi qu’il en soit, Me Bouzrou a affirmé avoir déposé, au nom de la famille, deux plaintes dénonçant l’attitude des forces de l’ordre pendant et après l’arrestation. L’une d’elles devait être adressée au procureur de Pontoise, qui dit n’avoir rien reçu. Après la mort d’Adama Traoré, plusieurs communes ont connu des nuits d’affrontements entre jeunes et forces de l’ordre. Dans ce contexte tendu, le parquet a rapidement semblé vouloir écarter la piste de l’usage excessif de la force par les gendarmes.