C’est un petit tract qui veut répondre aux critiques. Le Parti socialiste (PS) distribue depuis début juin un dépliant intitulé « Révélations sur le quinquennat Hollande » qui présente l’action gouvernementale depuis 2012 sous un jour favorable, vantant la gauche qui « redresse le pays ». Nous l’avons épluché pour faire la part du vrai, du faux et des approximations.

Le tract du PS, « révélations sur le quinquennat Hollande ». | Parti Socialiste

CROISSANCE ET DÉFICIT : AMNÉSIE

Le tract du PS dit vrai sur un point : la croissance est repartie à la hausse en France par rapport à une année 2012 quasi-nulle – soit + 0,2 % du produit intérieur brut (PIB). Elle était même légèrement supérieure au 1,1 % annoncé par le PS pour 2015 (+ 1,3 % selon les derniers chiffres de l’Insee). Le déficit, quant à lui, est effectivement passé de 4,8 % du PIB en 2012 à 3,5 % en 2015, toujours selon l’Insee.

Mais la gauche va un peu vite en écrivant que « l’objectif de 3 % [de déficit] en 2017 devrait être atteint ». Puisqu’il s’agit d’un bilan du quinquennat Hollande, il faut rappeler que pendant la campagne présidentielle, ce dernier promettait de ramener le déficit à 3 % dès 2013 et d’arriver à l’équilibre en 2017. Il tablait pour cela sur des prévisions de croissance très optimistes (+ 2 % et plus à partir de 2014), bien au-dessus de la réalité.

POUVOIR D’ACHAT : EXAGÉRATION

« 0,7 % en 2014 » et « 1,7 % en 2015 » de pouvoir d’achat en plus, vante le document. Signe que la situation financière des Français s’est améliorée d’année en année sous François Hollande ?

D’abord, il faut savoir que ces chiffres correspondent à l’évolution du pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages (RDB) calculée par l’Insee, dont le chiffre pour 2015 a été légèrement revu à la baisse (+ 1,6 % au lieu de + 1,7 %).

La situation est en fait moins reluisante qu’annoncé, pour deux raisons :

  1. Le document ne mentionne pas les années 2012 et 2013. Or, le RDB a diminué sur ces deux années (respectivement − 0,9 % et − 0,4 %). Depuis le 1er janvier 2012, le RDB n’a en fait augmenté que de 1 % environ.
  2. Le RDB est un indicateur global, éloigné de la réalité des ménages (il ne tient par exemple par compte de l’évolution de la population). L’Insee propose donc plusieurs autres indicateurs comme le pouvoir d’achat par unité de consommation. Ce dernier « prend en compte à la fois l’évolution globale de la population et l’évolution des ménages », explique l’Insee dans sa notice sur ces statistiques. C’est-à-dire qu’il ramène le pouvoir d’achat à un niveau individuel.

Si l’on prend ce dernier indicateur, les chiffres sont inférieurs à ceux annoncés : + 0,1 % en 2014 et + 1,1 % en 2015. Sur cet indicateur, le pouvoir d’achat a au contraire baissé en France entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2015 (− 1,3 %) et stagné depuis le 1er janvier 2013 (+ 0,2 %).

IMPÔTS : AMNÉSIE

« Les impôts ont baissé ». Le tract socialiste annonce « − 300 à − 1 200 euros » d’impôts pour 12 millions de Français depuis 2015. Un chiffre conforme à celui annoncé par le gouvernement sur son site, mais qui relève d’une présentation sélective des faits.

D’abord, si les ménages modestes ont bénéficié de baisses d’impôts ces dernières années, il ne faut pas oublier qu’ils avaient aussi été touchés par les hausses d’impôts décidées au début de quinquennat. Ainsi 1,35 million de foyers étaient par exemple devenus imposables en 2014.

L’Insee estime aussi que 19,2 millions de ménages ont vu leurs charges fiscales et sociales augmenter en 2014, contre 4,8 millions qui les ont vues diminuer.

De manière plus large, la part des prélèvements obligatoires (un chiffre qui regroupe les différents impôts, taxes et cotisations) a augmenté de 2012 (43,8 % du PIB) à 2014 (44,8 %), avant de baisser légèrement en 2015 (44,7 %), selon l’Insee.

Dans cet ensemble, la fiscalité des revenus des ménages a plutôt eu tendance à s’alourdir, contrairement à celles des entreprises. Les impôts n’ont donc pas diminué pour tout le monde, ce que le PS se garde bien de préciser.

La fiscalité sur les revenus des ménages s'est alourdie
Produits régaliens nets, en % du PIB

CHÔMAGE : C’EST TROMPEUR

Si l’on se fie au bilan dressé par la gauche, on apprend qu’il y aurait eu « 1 million de chômeurs de plus en cinq ans » sous Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012, mais que « le chômage commence à baisser » sous François Hollande :

« Le chômage, notamment des jeunes, baisse de manière exceptionnelle en 2016. Il faut ainsi remonter à l’année 2000 pour retrouver une diminution aussi nette. Ainsi, le nombre de demandeurs d’emploi recule en mars de 1,7 % par rapport à février. Le taux de chômage recule de 0,1 point sur trois mois. Il a encore baissé en avril de 1,7 % pour les chômeurs sans activité. »

Le problème, c’est que cette série d’affirmations mélange des chiffres difficilement comparables les uns aux autres. Reprenons-les un par un. D’abord, il est juste de dire que le chômage a explosé sous Nicolas Sarkozy, de mai 2007 à mai 2012. Selon les statistiques mensuelles de Pôle emploi, il y a effectivement eu 1,12 million de demandeurs d’emplois supplémentaires en France métropolitaine si l’on additionne les catégories A (sans activité) ainsi que B et C (temps partiels).

Ce que le tract ne dit pas, c’est que le même calcul donne un résultat tout aussi mauvais pour François Hollande : entre mai 2012 et juin 2016 (les derniers chiffres disponibles de Pôle emploi), il y a eu environ 1,08 million de chômeurs supplémentaires dans les catégories A, B et C confondues.

Le chômage en France depuis 2007
Nombre de demandeurs d'emploi des catégories A, B et C
Source : Pôle Emploi

La gauche insiste néanmoins sur la tendance, qui serait désormais favorable à une reprise de l’emploi. Il faut alors distinguer deux choses :

  1. Le taux de chômage trimestriel, qui est la part de la population active qui est au chômage, calculé par le Bureau international du travail (BIT). Il s’agit d’un pourcentage : « X % de la population active était au chômage en mars ».
  2. Les statistiques mensuelles de l’Insee sur le nombre de chômeurs par catégories. Il s’agit cette fois d’une valeur absolue : « Il y avait X millions de chômeurs en mars… »

Or, le document du PS mélange ces deux notions. Si l’on reprend les bons chiffres, on peut constater que :

  • Le taux de chômage au premier trimestre 2016 était de 9,9 % selon le BIT. Un chiffre identique au trimestre précédent, mais légèrement meilleur qu’un an auparavant (10,0 %).
  • Le taux de chômage des jeunes de 15 ans à 24 ans a augmenté au premier trimestre 2016 par rapport à la fin 2015 (24,2 % contre 23,9 %).
  • Le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a effectivement baissé de 1,7 % en mars, mais seulement de 0,6 % en avril et pas de 1,7 % comme l’affirme le document.

Enfin, les chiffres de Pôle emploi des mois de mai et juin, publiés après la rédaction du tract, sont en hausse, aussi bien chez les chômeurs sans activité que chez ceux à temps partiel. En juin, on ne compte « que » 43 400 chômeurs des catégories A, B et C de moins par rapport à décembre 2015. C’est toujours 24,7 % de plus qu’en mai 2012.

LES MESURES POUR LES JEUNES : PLUTÔT VRAI

« Rien n’a été fait pour les jeunes ? C’est faux », lit-on dans les quatre pages de « révélations » sur le quinquennat. Et de lister la série des mesures prises pour la jeunesse au cours du quinquennat, comme la « garantie jeunes », la rémunération des stages de plus de deux mois ou les 150 000 emplois d’avenir.

Certaines promesses présentées comme déjà tenues restent néanmoins à compléter. Par exemple la création de 60 000 postes dans l’éducation, qui a pris du retard. Il est également trop tôt pour dire si « les jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 », comme le promettait François Hollande pendant la campagne présidentielle. Mais les affirmations du document sur ce plan sont dans l’ensemble justes.

FAMILLES, PERSONNES ÂGÉES, SANTÉ : C’EST PLUTÔT VRAI

Là aussi, le document liste une série de mesures prises depuis 2012. Par exemple, la hausse de l’allocation de rentrée scolaire, passée de 285 euros en 2011 à 363 euros en 2016 pour les enfants de 6 ans à 10 ans. Ou encore l’adoption du mariage pour tous. Du côté des personnes âgées, il cite la hausse des allocations et le retour de la retraite à 60 ans. Ou encore, sur la santé, la généralisation du tiers payant.

Là aussi, on peut cependant relever quelques imprécisions entre promesses déjà tenues et en passe d’être tenues. Ainsi, le complément familial des familles nombreuses n’a pas augmenté de 50 % comme on peut le lire : il est passé de 166,18 euros à 219,13 euros depuis 2012 (+ 32 % environ), le PS a en fait présenté l’objectif de fin de mandat comme étant déjà atteint.

LE BILAN DE NICOLAS SARKOZY : PLUTÔT VRAI

La dernière page du document donne un état des lieux de « ce que la droite a laissé en 2012 », citant six exemples. Cinq d’entre eux sont corrects :

  • La dette publique a augmenté de « 612 milliards d’euros en cinq ans ». Du deuxième trimestre de l’année 2012 au deuxième trimestre de l’année 2017, la dette publique française a en effet augmenté de 606,8 milliards, selon l’Insee.
  • 24 taxes ont été créées de 2007 à 2012. C’est vrai : en voici la liste.
  • 80 000 postes ont été supprimés en cinq ans dans l’éducation. C’est plutôt vrai. Tout personnels confondus, 104 360 postes ont été supprimés dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur entre 2006 et 2012, selon le ministère. Si l’on tient compte uniquement des suppressions de postes décidées sous Nicolas Sarkozy et que l’on exclut les postes créés en urgence à la rentrée 2012 par la gauche, on arrive à une estimation d’environ 80 000 postes supprimés en cinq ans.
  • 337 000 personnes supplémentaires sont « devenues pauvres ». C’est même plus : l’Insee comptait, en 2012, 412 000 personnes vivant sous le seuil de « grande pauvreté » (40 % du revenu médian) de plus qu’en 2007.
  • Un million de chômeurs supplémentaires se sont ajoutés aux listes de Pôle emploi. C’est vrai : selon les statistiques mensuelles de Pôle emploi, il y a effectivement eu 1,12 million de demandeurs d’emploi supplémentaires en France métropolitaine si l’on additionne les catégories A, B et C.

Le dernier point évoqué est en revanche trompeur. On y lit que « 75 milliards » d’euros auraient été offerts en cinq ans comme « cadeaux fiscaux pour les plus riches ». Ces 75 milliards auxquels le tract fait référence regroupent en fait une série d’exonérations fiscales accordées sous Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012, principalement via la loi TEPA (travail, emploi, pouvoir d’achat).

On y trouve, certes, des mesures qui profitaient directement aux contribuables aisés, comme le « bouclier fiscal ». Mais il y avait aussi des mesures comme la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression de la taxe professionnelle ou la TVA à 5,5 % dans la restauration, destinées à soutenir les entreprises les emplois.

On peut s’interroger sur leur efficacité, mais il est réducteur de les réduire à des « cadeaux fiscaux aux riches » – sauf à considérer que les baisses de charges du « pacte de responsabilité » de François Hollande, par exemple, en seraient un également.