Le mur d’enceinte du chantier de l’Andra mis à bas, dimanche 14 août, par les opposants au projet Cigéo | vmc.camp

Le conflit qui s’est noué sur l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure (Meuse) a changé de nature ces derniers jours, passant de l’action de terrain à l’action en justice. Cela, dans les deux camps : celui des opposants au projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo), et celui de son maître d’ouvrage, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Recours, plaintes et enquêtes fusent de tous côtés.

Dimanche 14 août, environ quatre cents personnes s’étaient rassemblées à Mandres-en-Barrois, dans le bois Lejuc, où l’Andra mène des investigations géologiques préparatoires à la construction du site de stockage. Des manifestants ont mis à terre le mur d’enceinte en béton que l’agence avait commencé d’ériger pour, explique-t-elle, « sécuriser » cette parcelle forestière où ses matériels ont été la cible de dégradations et ses salariés de menaces.

« Jamais l’hélicoptère n’a été visé »

Alors qu’un hélicoptère de la gendarmerie survolait la zone, en début d’après-midi, des activistes ont allumé quelques fusées d’artifice : quatre selon les manifestants, sept d’après la préfecture. « L’hélicoptère a subi une demi-douzaine de tirs de fusées d’artifice qui ne l’ont pas atteint, mais il a dû se dérouter et regagner son lieu de stationnement », a indiqué le procureur de Bar-le-Duc à France Bleu. En conséquence, le magistrat a demandé aux gendarmes de « diligenter une enquête de flagrance sur la qualification de violence avec arme par destination, commise en réunion et à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ».

« Jamais l’hélicoptère n’a été visé, répond l’un des animateurs du mouvement, qui se fait appeler Sylvestre. Ces tirs étaient des actes isolés, dont le seul résultat a été un début d’incendie dans le champ d’un paysan, que nous avons indemnisé après avoir aussitôt éteint le foyer. » A ses yeux, cette enquête « vise à faire apparaître les opposants au projet Cigéo comme des casseurs et à décrédibiliser une lutte collective engagée depuis vingt ans ». Un sentiment partagé par Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire, pour qui « chercher à criminaliser les militants est une façon de détourner l’attention de l’illégalité du chantier de l’Andra et des violences commises par ses vigiles ».

Le 16 juillet en effet, lors d’une « manifestation de réoccupation » du bois Lejuc, dont ils avaient été délogés par les gendarmes mobiles après trois semaines de campement, des opposants ont été molestés par les services de sécurité de l’Andra qui, de son côté, a fait état de « trois blessés au visage » par jets de pierres. Une plainte collective a été déposée par sept manifestants.

Dégradation de biens et occupation illégale

A la suite de la démolition de son mur, l’Andra a pour sa part déposé deux plaintes devant le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, l’une pour dégradation de biens, l’autre pour occupation illégale d’un terrain dont elle est, souligne-t-elle, « propriétaire ». L’agence a aussi fait appel, mercredi 17 août, de la décision du même tribunal qui a jugé que le défrichement réalisé pour installer une clôture en bordure du bois était « illicite », faute d’autorisation préalable. Elle demande un délai plus important que les six mois qui lui ont été octroyés pour obtenir cette autorisation, sans laquelle elle devra « remettre en état », c’est-à-dire replanter le domaine déboisé.

Ce n’est pas tout. D’autres recours judiciaires, introduits par le réseau Sortir du nucléaire, des associations locales et des habitants de Mandres-en-Barrois, sont toujours en cours ou en préparation : contre la légalité de l’édification de l’enceinte en béton sans autorisation d’urbanisme, contre la cession du bois Lejuc à l’Andra par la commune de Mandres, contre l’arrêté ministériel qui a fixé à 25 milliards d’euros le coût prévisionnel de l’enfouissement des déchets radioactifs ou contre la non-prise en compte du potentiel géothermique du sous-sol de Bure.

« La façon dont une agence publique piétine le droit pose pour le moins question, commente l’avocat des anti-Cigéo, Me Etienne Ambroselli. Il ne faut pas s’étonner que les réactions soient parfois vives. » Quelle que soit leur issue, ces multiples procédures risquent de retarder le calendrier arrêté par l’Andra, qui prévoyait jusqu’alors de soumettre sa demande d’autorisation de création du centre de stockage en 2018, pour un début des travaux en 2021 et une mise en service en 2025. C’est évidemment le but recherché par les contestataires.