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Il est à peine 9 heures, jeudi 18 août, quand les premiers vendeurs de Biscoito Globo arpentent la plage de Leme, à la pointe de Copacabana, pour le début d’une longue journée. Comme tous les jours, le petit biscuit aérien à la forme d’un beignet d’oignon s’arrachera par paquet d’une dizaine, au prix de 4 reais (1 euro), en version salée ou sucrée. Et cela malgré la polémique qui agite la cité  carioca. Un « drame municipal » provoqué par un article du prestigieux New York Times peu tendre envers l’un des trésors culinaires de Rio de Janeiro.

Le papier du quotidien américain, titré « Le carnaval des sens à Rio s’arrête à la nourriture », publié samedi 13 août, est une investigation où l’auteur tente désespérément d’identifier la saveur du croustillant Biscoito Globo. Conclusion : néant. Le biscuit « surgit dans votre bouche et c’est comme si vos dents étaient à une fête à laquelle votre langue n’était pas invitée ». En dépit d’éloges appuyés sur les bars de jus de fruits, les churrascarias (restaurants à viande) et la présence de quelques étoilés à Rio, le journaliste élargit la critique et évente le terrible « secret » mis au jour par les milliers d’athlètes et de fans étrangers lors des Jeux olympiques : la description la plus charitable de la scène gastronomique carioca se résume à « meh » (« bof »).

Passe encore que les gringos aient largement dénigré le Brésil avant les Jeux, insistant lourdement sur l’insécurité, le virus Zika et la pollution des eaux. Mais toucher au Biscoito, c’en était trop ! Objet de débats et de reportages dans les journaux télévisés, l’article du New York Times a déchaîné les passions sur les réseaux sociaux, où les réactions s’accompagnent d’un mot-clé #somostodosbiscoitoglobo (« Nous sommes tous le biscuit Globo »). La mobilisation en défense du gâteau sec s’alimentant bien souvent de persiflages envers les hamburgers et autres totems de la malbouffe étasunienne.

« On ne peut pas critiquer une tradition »

« Crise diplomatique entre les Etats-Unis et le Brésil après la publication de l’article du New York Times », écrit alors le journal satirique Sensacionalista, qui explique que, pour apaiser les tensions, les biscuits brésiliens existeront désormais dans une version avec colorants jaunes et goût bacon. Le 17 août, le journal O Globo est revenu plus sérieusement sur l’incident en interrogeant la critique gastronomique de Globo – le journal, pas le biscuit –, Luciana Froes, et le chef français Claude Troisgros, installé à Rio, pour réhabiliter le petit gâteau sec. « Il n’est pas mauvais », dit la première, toujours ravie d’en boulotter quelques-uns lorsqu’elle est coincée dans les embouteillages. « On ne peut pas critiquer une tradition », insiste le chef français. Et le quotidien brésilien de souligner, un brin vengeur, que le Biscoito Globo, lui, n’a jamais attenté à la vie de quiconque, contrairement au bretzel qui faillit étouffer l’ancien président américain George W. Bush en 2002.

« Même sans saveur, il est bon. C’est un patrimoine carioca recommandé par les nutritionnistes », défend Myriam Borges, allongée sur la plage de Leme. L’esthéticienne de 56 ans n’imagine pas bronzer sans grignoter son petit biscuit, garanti sans colorants, sans acides gras trans et sans conservateurs, pour un apport calorique limité. « Le meilleur biscuit du monde », insiste près d’elle un loueur de chaises pliantes et de parasols.

Quelques jours après l’article maudit, Marcelo Ponce, fils du fondateur de la marque Globo en 1953, a fait part sur Internet de ses remerciements au New York Times : « Une critique négative ne s’est jamais répercutée de façon aussi positive sur une marque. »