En 2012, 14 mausolées sont tombés à Tombouctou, détruits par des djihadites du groupe Ansar Dine à coups de pioche, houe et burin. Ils ont également brûlé des milliers de manuscrits anciens, laissant la « Cité des 333 saints » amputée d’une partie de son patrimoine culturel.

Le 22 août 2016, un procès inédit s’ouvre devant la Cour pénale internationale (CPI) pour juger un djihadiste accusé d’avoir participé à ces violences. C’est la première fois qu’un accusé doit répondre de crimes de guerre pour destruction de patrimoine culturel.

Mausolées de Tombouctou : un djihadiste malien plaide coupable devant la CPI
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Le Touareg malien Ahmad Al-Faqi Al-Mahdi, dit Abou Tourab, comparait à La Haye pour avoir « dirigé intentionnellement des attaques » contre neuf des mausolées de Tombouctou et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia. Des actes pour lesquels il entendrait plaider coupable et « demander pardon aux habitants de Tombouctou et au peuple malien », a annoncé en mai un de ses avocats devant la CPI.

Que sont ces mausolées ?

Ce sont des tombeaux de « saints ». Quand ces personnalités « considérées comme vertueuses » décédaient, « leurs tombes étaient exposées à la profanation » par des individus attribuant des pouvoirs à leurs restes, explique El-Boukhari Ben Essayouti, expert culturel et chef de la Mission culturelle de Tombouctou qui a piloté le projet de réhabilitation des sites.

Selon lui, c’est pour les mettre à l’abri que leurs lieux de sépulture ont été érigés en mausolées, généralement en terre crue, à travers Tombouctou. Cette ville, fondée au Ve siècle, a connu « son apogée économique et culturel aux XVeet XVIe siècles », selon l’Unesco, et fut un grand centre intellectuel de l’islam.

Actuellement, on dénombre au total 22 mausolées intacts à Tombouctou, dont 16 inscrits sur la liste du patrimoine de l’Unesco, mais parmi ces derniers, certains « ont disparu du fait de l’ensablement », précise M. Ben Essayouti.

De quand datent-ils ?

Surnommée la « perle du désert », Tombouctou est mondialement connue pour ses trois grandes mosquées, mais aussi pour ses mausolées de saints musulmans et ses manuscrits anciens. Les plus anciens remontent au XIVe siècle, d’après les spécialistes.

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Qui les a construits ?

Leur édification initiale est une œuvre collective et anonyme mais généralement le fait « de la famille ou des disciples » du saint concerné. « Au fil du temps, des travaux d’aménagement ou de réhabilitation sont engagés » par divers acteurs : proches, habitants ou mécènes, d’après M. Ben Essayouti.

Pourquoi sont-ils si importants ?

Les personnages vénérés enterrés dans les mausolées valent à Tombouctou son surnom de « Cité des 333 saints ». Certains sont sollicités « pour les mariages, pour implorer la pluie, contre la disette ».

Avec les mosquées historiques de la ville, ces mausolées témoignent du « passé prestigieux de Tombouctou », selon l’Unesco, rappelant qu’ils ont été des « lieux de pèlerinage au Mali et dans les pays limitrophes d’Afrique occidentale ».

Qui les a détruits, quand et pourquoi ?

Quatorze des mausolées avaient été détruits par des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, dont Ansar Dine, au nom de la lutte contre « l’idolâtrie » en 2012, après avoir tenté en vain d’en détourner la population.

Ces groupes ont dicté leur loi dans le nord du Mali de mars-avril 2012 jusqu’au déclenchement, en janvier 2013, d’une opération militaire internationale à l’initiative de la France, qui se poursuit actuellement. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.

Comment ont-ils été reconstruits ?

Leur reconstruction a été lancée en mars 2014 dans le cadre d’un programme mis en œuvre par l’Unesco et financé par plusieurs pays et institutions. Elle a été confiée à un groupe de maçons locaux qui, sous la supervision de l’imam de la grande mosquée de Djingareyber, ont reproduit les sites originaux en récupérant des restes de murs, consultant des photos, interrogeant des anciens. Les travaux se sont achevés en juillet 2015, selon l’Unesco. Les cénotaphes remis à neuf ont été réceptionnés le 4 février dernier lors d’une cérémonie symbolique dite de « sacralisation ».