Des jeunes veaux (non sevrés) sont transportés sur près de 3 000 kilomètres sans être ni nourris ni abreuvés. | AWF/TSB

C’est une nouvelle illustration de la maltraitance animale, qui met une fois de plus en cause des pratiques de l’industrie agroalimentaire. Les images ne sont pas aussi insoutenables que celles tournées dans des abattoirs par l’association L214, qui ont ému l’opinion publique ces derniers mois. Elles n’en révèlent pas moins la souffrance infligée à des animaux, au mépris de la réglementation.

L’ONG de défense du bien-être animal Compassion in World Farming (CIWF) vient de rendre publique une enquête, menée par les associations allemande et suisse, Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich, sur les conditions de transport des jeunes veaux entre pays européens. Il s’agit de bovins non sevrés, âgés de seulement dix jours, issus de la filière laitière : des mâles qui, par définition, ne produiront pas de lait, et des femelles (des velles) non destinées au renouvellement du cheptel. Tous sont expédiés vers des centres d’engraissement intensif, avant de finir sur l’étal des bouchers.

Plus de quarante heures de route

Enquête - Transports longues distances des veaux non sevrés
Durée : 03:12

Les associations ont suivi et filmé, entre 2014 et 2016, dix camions convoyant les animaux depuis les élevages laitiers et les marchés aux bestiaux jusqu’aux centres d’engraissement. La majorité part d’Allemagne, de France, d’Irlande, de Pologne, de Lituanie et de Lettonie, pour rejoindre les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie. Soit des trajets pouvant atteindre près de 3 000 kilomètres et plus de quarante heures de route.

Les images diffusées montrent les terribles conditions dans lesquelles s’effectuent ces déplacements. On y voit des veaux affamés et assoiffés léchant les barreaux des camions, dans un espace confiné où ils sont entassés sans pouvoir ni se tenir droit ni se coucher. Cela, par des températures glaciales ou au contraire des chaleurs extrêmes. Certains sont frappés lors des déchargements. Et les plus faibles meurent avant d’être arrivés à destination.

« Violation des réglementations »

« Il est totalement anormal que des veaux aussi jeunes soient transportés sur des durées aussi longues, en violation des réglementations françaises et européennes », proteste Agathe Gignoux, de CIWF France. Les règles communautaires relatives à la protection des animaux pendant le transport (règlement CE 1/2005) posent en effet comme principe que « nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu’ils risquent d’être blessés ou de subir des souffrances inutiles ».

La France est le deuxième exportateur européen de veaux non sevrés. | AWF/TSB

Elles édictent en particulier que « la durée de voyage ne doit pas dépasser huit heures ». Des dérogations sont certes possibles, mais elles exigent que les besoins des animaux soient satisfaits pendant le voyage et qu’ils soient nourris avec des substances appropriées, soit, dans le cas des tout jeunes veaux, avec du lait ou un substitut de lait. Or, constate l’ONG, ces conditions ne sont en réalité jamais remplies.

« Il est impossible de transporter des veaux non sevrés durant plus de huit heures en respectant le bien-être animal », conclut l’association CIWF. Aussi demande-t-elle l’interdiction pure et simple de leur transport sur de longues distances, afin de mettre fin à leur « calvaire ». L’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) n’a pas répondu aux sollicitations du Monde.

La France, deuxième pays exportateur

Les animaux voyagent dans des espaces confinés | AWF/TSB

En 2015, un peu plus de 1,3 million de jeunes veaux ont circulé entre les pays européens, l’Allemagne étant, à elle seule, à l’origine de 50 % de ce trafic. La France se classe au deuxième rang des pays exportateurs, avec près de 12 % du total, devant la Pologne (7 %) et l’Irlande (6 %). Selon les derniers chiffres de l’établissement public FranceAgriMer, l’Hexagone a exporté l’an passé 152 700 petits veaux (13,9 % de plus qu’en 2014), principalement en Espagne.

Ces jeunes bovins ne sont pas les seuls à souffrir de tels transferts. Le CIWF prépare, pour le 29 août, la première journée internationale d’action contre les transports de longue distance, avec comme mot d’ordre : « Des animaux, pas des marchandises ! » La mobilisation portera aussi sur le sort fait par l’homme aux agneaux, cochons, volailles et chevaux.