Kuniaki Takizaki, comique japonais très populaire au milieu des années 2000, prendra le départ du marathon des Jeux dimanche sous les couleurs du Cambodge. | MARTIN BUREAU / AFP

Des plateaux de la télévision nippone au soleil de Rio, en passant par les merveilles d’Angkor. Kuniaki Takizaki n’a pas choisi le chemin le plus direct pour s’aligner, dimanche 21 août, au départ du marathon des Jeux olympiques. Certes, il y a peu de chance de voir ce coureur d’1,45 m pour 45 kg, dont le record personnel est à 2 h 27 min 52 sec, se mêler à la lutte pour la victoire finale. Mais son parcours vaut bien une médaille d’originalité.

Aligné comme représentant du Cambodge, M. Takizaki est né japonais à Ichihara, dans le département de Chiba, à l’est de Tokyo. A l’école, il pratique le tennis de table et taquine l’athlétisme, mais sa vraie passion, c’est le comique. Désireux d’intégrer le monde du owarai (« rire »), il se lance dans le manzai, une forme de comédie qui met en scène un duo d’acteurs.

Kuniaki Takizaki joue de sa petite taille pour se construire un personnage baptisé « Neko Hiroshi » (« Hiroshi le chat ») populaire au milieu des années 2000. Il apparaît dans des émissions de variétés, des publicités, des séries télévisées et quelques films. En parallèle, il se prend de passion pour le marathon. En 2008, il participe à celui de Tokyo, qu’il boucle en 3 h 48 min 57 sec.

Place d’universalité

Sur le plan professionnel, ses « Nya », équivalents nippons du « Miaou » français, finissent par lasser. En quête de nouvelles idées pour relancer sa carrière, il participe en 2009 à un programme sur Internet sur le thème : « Projet pour la renaissance de Neko Hiroshi ». Un participant lui lance une boutade : devenir membre de l’équipe olympique du Cambodge. Il relève. Des contacts sont pris à Phnom Penh.

L’aventure se développe aux travers de l’organisation d’activités touristiques par une société, Cambodia Dream – propriété du marathonien –, ayant des bureaux à Tokyo et Siem Reap (nord-ouest du Cambodge). Avec cette compagnie, Neko Hiroshi parraine l’organisation du semi-marathon de Phnom Penh, un bon moyen de se rapprocher des autorités sportives locales.

En octobre 2011, il obtient la nationalité cambodgienne. Peu lui importent les attaques dont l’accable l’extrême droite nippone : il espère bénéficier d’une des « places d’universalité » offertes aux pays n’ayant pas les moyens de former des athlètes de haut niveau… pour les JO de Londres.

Le Comité international olympique refuse finalement, car le changement de nationalité est intervenu à moins d’un an des Jeux. Au Cambodge, la question fait aussi débat. Pourquoi privilégier un athlète japonais et non un athlète local ? Le numéro un cambodgien du marathon, Hem Bunting, présent à Pékin en 2008 mais en froid avec ses autorités de tutelle, s’émeut. « Le sport doit reposer sur le talent, déclare-t-il alors. Si je suis assez bon, je dois être sélectionné. »

« Ne pense pas à l’âge, cours 30 km par jour »

Neko Hiroshi ne va pas à Londres, mais ne renonce pas. « A l’époque, j’avais 34 ans, explique-t-il sur son blog. Je me suis dit : Ne pense pas à l’âge, cours 30 km par jour”. » Il possède une maison à Siem Reap et court souvent sur le site d’Angkor. Il enchaîne les courses et remporte en tant que représentant de son nouveau pays le marathon aux Jeux d’Asie du Sud-Est de 2013.

Ses investissements et son abnégation plaisent au Cambodge. Les autorités l’appuient totalement. A l’image de Pen Vuthy, secrétaire général de la fédération d’athlétisme cambodgienne :

« Il y a des pays qui dépensent beaucoup pour attirer des étrangers dans certains sports. Nous n’avons rien payé pour Neko. C’est lui qui est venu nous aider. »

S’étant imposé comme le numéro un du marathon cambodgien, Neko Hiroshi obtient sa place d’universalité pour Rio, où il est présent avec les six autres athlètes envoyés par Phnom Penh.