Thierry Omeyer et Luc Abalo, le 21 août à Rio. | ROBERTO SCHMIDT / AFP

Il n’y a pas eu de miracle, et on s’en étonnerait presque. Au cours de la glorieuse décennie écoulée, l’équipe de France de handball s’est si souvent retrouvée au bord du précipice sans jamais y tomber, elle a remis à l’endroit tant de rencontres parties à l’envers, que lorsqu’elle est revenue à un but du Danemark (26-25), trois minutes avant la fin du match, il semblait que ses joueurs allaient une fois de plus retomber sur leurs pattes.

Et puis non. Les Scandinaves, en réussite maximale, sont parvenus à les leur briser pour de bon dans les derniers instants, à les mettre à genoux et à récupérer sur leur tête la couronne qu’ils portaient depuis huit ans (28-26). Après le sacre à Pékin en 2008 et la confirmation à Londres quatre ans plus tard, le règne olympique s’est achevé à Rio, dimanche 21 août, pour des Bleus qui échouent dans la quête d’un triplé inédit – inédit dans le handball masculin, mais déjà réussi par les Danoises (1996, 2000, 2004).

Comme leurs homologues féminines, défaites vingt-quatre heures plus tôt par la Russie (22-19), les handballeurs français se contentent de l’argent, une première sous l’ère Claude Onesta, entamée en 2001, et ponctuée de huit finales victorieuses depuis celle de l’Euro 2006, une réussite presque insensée. « On s’est tellement habitués à l’or, le public, le peuple français, nous-mêmes, qu’arriver en finale et perdre, c’est dur, réagissait à chaud Nikola Karabatic. Mais même si elle n’est pas en or, cette médaille représente beaucoup, et, quelque part, c’est beau de se dire qu’on est déçus de rapporter une médaille des JO. »

« Une aventure réussie »

Parmi les neuf joueurs sur quinze qui, contrairement au maître à jouer des Bleus, n’avaient jamais vécu les Jeux auparavant, pointait parfois un sentiment d’échec, comme chez le fougueux Valentin Porte, 25 ans, qu’on reverra à Tokyo dans quatre ans :« On avait tout pour remporter l’or, donc pour le moment, j’ai vraiment du mal à savourer cette médaille. Peut-être qu’en France, à tête reposée… »« Elle est déjà belle aujourd’hui, se consolait à l’inverse Michaël Guigou, de toutes les aventures depuis douze ans. Et quand on la mettra à côté des autres, finalement, c’est celle qu’on verra le plus. »

Avant d’aller fumer une cigarette à l’extérieur de la salle, Claude Onesta acquiesçait :« Je peux vous assurer que cette médaille, personne ne va la jeter. Il manque un petit coup de lumière dans le décor, mais ça restera une aventure réussie. »

« On ne peut pas gagner à tous les coups, philosophait Philippe Bana, le directeur technique national. Ces Danois, normalement, c’était la meilleure génération de l’histoire de la planète, ils auraient dû colorer l’olympiade, et on les a défoncés régulièrement ces dernières années. Alors, c’est quand même une forme de justice qu’à un moment donné le pendule retombe dans l’autre sens. »

Effacés, les traumatismes de 2011 (défaite en finale du Mondial en Suède, 37-35 après prolongation) et de 2014 (défaite en finale de l’Euro au Danemark, 41-32). Enfin, les coéquipiers du génial Mikkel Hansen ont battu les Bleus dans un match qui compte : « C’est une grande satisfaction, surtout quand on se souvient qu’ils nous avaient plus ou moins détruits lors des deux dernières finales. Remporter une médaille d’or contre de tels joueurs… »

La revanche de cette revanche est déjà programmée, dans cinq mois, lors du championnat du monde (11-29 janvier). Le tournoi aura lieu en France, ce qui rassure Claude Onesta : « Ce serait ailleurs, j’aurais peut-être plus de doutes sur la capacité à se réinstaller dans quelque chose d’ambitieux, mais jouer à domicile va être un élément de mobilisation maximale, explique le sélectionneur, qui vivra alors son dernier tournoi à la tête de l’équipe. Et d’évidence, on ne sera pas sur un excès de confiance. On aurait gagné ici, ça aurait peut-être été plus sournois à gérer. »

Sans aller jusqu’à s’en réjouir, disons que c’est là sans doute l’une des deux principales conséquences positives de la défaite des « Experts » à Rio. L’autre étant la probable disparition de ce surnom-marketing présomptueux qui n’a plus vraiment lieu d’être.