La stade Maracana lors de la cérémonie d’ouverture des JO. | LUIS ACOSTA / AFP

Avec la fin des Jeux olympiques, le Brésil tourne une page d’histoire au cours de laquelle il a démontré sa capacité d’organiser le plus grand événement sportif planétaire, en dépit des risques politiques, sécuritaire et sanitaire qui planaient sur cette grand-messe du sport mondial.

  • Une crise politique discrète

Dans les stades, les militants ont d’abord sorti leurs pancartes « Fora Temer » (Dégage Temer), puis les ont gentiment remballées sous les injonctions de quelques responsables zélés de la sécurité avant de les ressortir, sur ordre d’un juge soucieux de la liberté d’expression, au grand dépit du comité organisateur de Rio 2016. Hormis ces quelques démonstrations de colère sourde et en dépit des huées adressées lors de la cérémonie d’ouverture au président intérimaire Michel Temer, la crise politique brésilienne n’a pas, comme redouté, envahi des tribunes, certes à moitié vides.

La lassitude des Brésiliens envers une situation digne d’une telenovela explique, en partie, ce calme relatif. L’incertitude politique paralyse le pays depuis des mois et approfondit la terrible crise économique. La population a beau ne pas apprécier le président en exercice, Michel Temer, dont la popularité ne dépasse pas 14 % (sondage datafolha du 18 juillet), une partie des Brésiliens a beau le soupçonner d’avoir intrigué dans la coulisse pour précipiter la sortie de la présidente élue en 2014, Dilma Rousseff – éloignée du pouvoir suite à l’ouverture, le 12 mai, d’une procédure d’impeachment (destitution) –, les Jeux olympiques (JO) n’ont pas été la scène adéquate pour les revendications. Contraires à l’esprit olympique ? Peut-être.

« Fora Temer », l’un des slogans du public brésilien. | Silvia Izquierdo / AP

Pendant quinze jours, la crise est passée au second plan, aidée par un Michel Temer extrêmement discret. Voire absent. De peur des huées, l’ancien coéquipier de Dilma Rousseff a renoncé à assister à la cérémonie de clôture. Et au milieu d’une intense actualité sportive, rares sont ceux à avoir jeté un œil au contenu de la « lettre au Sénat et au peuple brésilien » adressée par Dilma Rousseff le 16 août. Une « lettre sans destinataire », commentera l’éditorial du quotidien Agora. Une fois la trêve olympique achevée, le réveil pourrait être brutal. Pendant ces quinze jours, la procédure d’impeachment s’est accélérée. Le procès de la successeure de Luiz Inacio Lula da Silva devrait démarrer à Brasilia dès le 25 août, pour s’achever le 31. Et à écouter les analystes, ses chances de survie politique sont quasi nulles.

  • La sécurité assurée, maquillage ou prouesse

Des militaires brésiliens en patrouille à Rio. | PASCAL GUYOT / AFP

Les uns parlent d’un habile maquillage, les autres d’une prouesse. Rio de Janeiro, la Ville merveilleuse où quelque 113 homicides ont été recensés sur le seul mois de juin a pris des allures de ville – presque – paisible pendant les Jeux olympiques.

La menace d’un attentat, en particulier lors de la présence du président français François Hollande pour la cérémonie d’ouverture, le 5 août, a été gérée. Nul ne sait si l’arrestation de 14 apprentis djihadistes lors de l’opération « Hashtag », avant et pendant les Jeux, aura été décisive. Ni si les 21 000 militaires armés postés aux abords des stades ou le long de la plage de Copacabana sous les yeux inquiets des touristes auront été nécessaires.

Il n’empêche. Pendant cette quinzaine, aucun drame n’a terni les Jeux. Et l’agression la plus commentée reste celle que n’a pas subie le nageur américain, Ryan Lochte, médaille d’or du relais 4 × 200 m nage libre et désormais champion olympique de la mythomanie. La ville peut ainsi s’enorgueillir d’avoir rassuré des touristes angoissés. A en croire le ministère du tourisme brésilien, citant un sondage publié le 18 août, 88,4 % des visiteurs étrangers et 87,1 % des Brésiliens ont eu une bonne opinion de la sécurité carioca.

Le « presque » de « presque paisible » est toutefois requis pour qualifier l’ambiance de Rio. Un policier, Roraima Helio Vieira Andrade, a perdu la vie pendant cette quinzaine en pénétrant, par erreur, dans l’une des favelas du complexe de la Maré, considérée comme une « no go zone ». Des balles perdues ont aussi percé le toit du centre de presse à Deodoro, où ont eu lieu, notamment, les épreuves hippiques tandis qu’ un bus rempli de journalistes était la cible de tirs sur le chemin reliant Deodoro au parc olympique à Barra da Tijica dans la zone ouest de Rio. Enfin, en dix-huit jours, 73 vols (dont deux médailles, finalement retrouvées) ont été commis dans le village olympique, selon les données recueillies par le quotidien la Folha de Sao Paulo. Une moyenne de 4 par jour.

  • La peur du Zika affrontée

Aucun athlète n’avait oublié son répulsif avant de mettre le pied sur le sol de Rio de Janeiro. Peu en auront finalement eu l’usage. Le virus du Zika qui s’est propagé au Brésil comme une traînée de poudre depuis avril 2015 provoquant de terribles malformations chez les nourrissons, telles la microcéphalie, avait tétanisé le monde entier.

L’épidémie, principalement véhiculée par la femelle moustique Aedes aegypti – également le vecteur de la dengue et du chikungunya – semblait incontrôlable. Elle l’est. Mais l’hiver carioca a beau être doux, il n’est pas assez suffoquant pour satisfaire la suceuse de sang. A quelques heures du clap de fin des Jeux olympiques, aucun sportif n’avait contracté le virus, nous ont assuré les autorités de Rio. Le bilan confirme le discours rassurant des organisateurs de Rio 2016, habitués à voir les statistiques des cas de dengue chuter entre les mois de juillet et septembre, période la plus « froide » de la ville.

Mais quand les athlètes et les touristes rentreront chez eux, l’épidémie continuera sa progression meurtrière, soutenue par l’urbanisation chaotique des villes brésilienne à Rio et ailleurs. Selon le ministère de la santé, entre le 1er janvier et le 9 juillet, 1,4 million de cas de dengue ont été relevés dans le pays, 419 décès auxquels s’ajoutent 169 656 cas de Chikungunya provoquant la mort de 38 personnes et enfin 174 003 cas probables de Zika, dont un mort à Rio, et 14 739 infections de femmes enceintes.