Selon une étude menée par l'institut CSA en 2014, 54% des colocataires sont des actifs. | Heroesbed (CC BY-NC-SA 2.0)

C’est une maison de 120 mètres carrés, à Pantin, avec un jardin où l’on peut croiser un chat, dans laquelle résident Elise, Charlotte, Carine et Louise. Quatre jeunes actives, respectivement deux architectes, une designer textile et une scénographe. Une sorte de famille recomposée dont les membres ont décidé de vivre ensemble. Leurs motivations ? Partager plus d’espace en payant un loyer raisonnable, mais surtout ne pas vivre seul. « J’aime partager mon quotidien, raconter ma journée quand je rentre le soir. Les choses sont moins compliquées lorsque l’on est plusieurs », confie Carine Ravaud, 28 ans.

Un véritable mode de vie choisi par ces jeunes femmes qui partagent bien plus qu’un simple logement. « On dîne ensemble, on va au cinéma ou au théâtre. On part même en vacances toutes les quatre, précise la scénographe. On sait que l’on peut compter les unes sur les autres. Ça apporte une sorte de sécurité affective. »

Comme Carine et ses amies, 54 % des colocataires sont des actifs (45 % sont des étudiants), selon une étude menée par l’institut CSA pour le réseau d’agences immobilières Guy Hoquet en 2014. L’âge moyen des colocataires est de 25 ans. De plus, pour plus d’un quart des personnes vivant ou ayant vécu en colocation, ce mode de vie est un choix. « Il y a le mariage, les familles monoparentales et il y a les colocataires, explique le sociologue Michel Fize qui a travaillé sur le sujet (Jeunesses à l’abandon. La construction universelle d’une exclusion sociale, Mimésis). C’est devenu un mode de vie comme un autre. »

Un « choix choisi »

Si le spécialiste décrit la colocation comme « une nécessité dans un contexte de loyers exorbitants », il lui préfère le terme de « cohabitation » qui « marie l’idée d’un souci financier mais aussi celle de sociabilité ». Selon lui, la colocation n’est pas forcément « un choix catastrophe » mais aussi « un choix choisi ».

« Cohabiter, c’est un peu comme un CDD. On ne s’engage pas pour la vie, contrairement au mariage. »

Autre avantage de la colocation, sa souplesse. « C’est un peu comme un CDD. On ne s’engage pas pour la vie, contrairement au mariage », précise Michel Fize. Selon lui, ce mode de vie peut constituer une étape avant la fondation d’une famille.

C’est le cas pour Nicolas Jullien. A 27 ans, ce jeune actif est en colocation à Paris avec un ami proche depuis un an. Ayant déjà expérimenté ce mode de vie pendant ses études, il voulait revivre cette expérience avant de se « ranger ». « Si ça avait été seulement pour une raison économique, je serais resté chez mes parents. Là, c’est vraiment un choix, une étape avant d’habiter avec ma copine, un accès progressif à l’indépendance », analyse-t-il.

Si certains emménagent avec leurs amis, pour d’autres, vivre à plusieurs est avant tout un moyen de faire des rencontres. Surtout lorsqu’ils s’installent dans une nouvelle ville. « C’est vraiment idéal pour nouer des relations et créer un réseau quand on débarque dans une ville que l’on ne connaît pas », estime Ulysse Robert, 28 ans, récemment arrivé à Montpellier où il cherche du travail.

« Une belle leçon de vie »

Comme Ulysse, Antoine Rousseau adore vivre façon Auberge espagnole. Depuis huit ans, ce développeur Web n’habite qu’en colocation. Des maisonnées qui peuvent rassembler jusqu’à douze personnes. C’est pourquoi il a créé le site Supercoloc.com qui propose des outils pour s’organiser. « Au départ, c’était pour faire les comptes. Ça permet de ne plus parler d’argent », explique le trentenaire qui développe actuellement son projet depuis le Mexique, où il vit en colocation avec… vingt personnes ! « Il faut parfois faire des concessions mais c’est une belle leçon de vie. On apprend beaucoup de choses sur soi », confie le jeune homme.

Les professionnels de l’immobilier se positionnent sur un marché en devenir en concevant des appartements réservés à la colocation.

Si elle n’est pas récente, la colocation des jeunes actifs se développe et s’enracine comme « un phénomène durable » selon Michel Fize. A tel point que les professionnels de l’immobilier se positionnent sur un marché en devenir en concevant des appartements réservés à la colocation. « Les logements disposent d’espaces d’intimité et de convivialité », précise Anne Mollet, directrice développement durable et marketing stratégique chez Nexity.

Entre intimité et convivialité, Carine, Nicolas, Ulysse, Antoine et les autres colocataires semblent avoir trouvé leur équilibre. Si bien, que quand elle pense à l’avenir, Carine Ravaud se voit bien vivre avec ses enfants dans une grande colocation, à la campagne.