Rachele Bruni n’a pas hésité à faire son coming out après son titre olympique dans l’épreuve du 10 km en eau libre. | TOBY MELVILLE / REUTERS

A l’arrivée du 10 km en eau libre féminin, le 15 août, Aurélie Muller et Rachele Bruni sont à la bataille pour la médaille d’argent. Les deux femmes sont au coude à coude et la nageuse entraînée par Philippe Lucas finira disqualifiée pour avoir immergé Rachele Bruni sous l’eau. Ce fait de course a fait grand bruit en France et a occulté un autre moment important de ces Jeux olympiques : le coming out effectué par la nageuse italienne, le lendemain de son podium.

Face à la presse transalpine, la jeune femme de 25 ans s’est livrée au traditionnel exercice des remerciements à son entourage. Rachele Bruni a ainsi salué sa compagne, Diletta, faisant son coming out publiquement. « C’est naturel pour moi de penser à celle que j’aime. Il y a bien entendu des gens qui ont encore des préjugés, mais je suis sereine et heureuse et je ne pense pas à eux. Je vis pour moi, pour ma passion qui est la natation et pour les gens qui m’aiment », a-t-elle déclaré.

Une cinquantaine d’athlètes revendiquent leur homosexualité

Une déclaration qui peut sembler anodine en 2016 mais qui, dans le monde fermé du sport, est loin d’être la norme. A cet égard, les Jeux de Rio pourraient bien rester dans l’histoire du sport comme un moment fondateur d’une parole LGBT qui se libère aux yeux du monde entier. En effet, au cours de la quinzaine olympique, les coming out ont été plus nombreux que jamais dans la sphère sportive. Dès le lundi 8 août, deux jours après la cérémonie d’ouverture, Isadora Cerullo, joueuse de rugby à sept brésilienne s’est vu demander en mariage par sa compagne sur le rectangle vert, devant les caméras qui diffusaient la séquence en mondovision. Un précédent qui, depuis, semble avoir fait florès. Et qui a fait grand bruit sur les réseaux sociaux. Les différentes images de coming out ont été largement partagées et prises en exemple. Tout un symbole au Brésil où les actes homophobes ne sont pas rares.

Du marcheur britannique Tom Bosworth qui a, lui aussi, fait une demande en mariage à son petit ami, au plongeur Tom Daley qui s’affiche ouvertement sur les réseaux sociaux, la parole se libère sans complexe ni retenue. Selon le site Outsport, 51 athlètes sur les 10 500 présents à Rio ont ouvertement revendiqué leur homosexualité. Sans compter, bien évidemment, ceux qui n’osent pas, ceux qui ne souhaitent pas faire étalage de leur intimité sexuelle et ceux qui n’ont pas le droit, au regard de la législation de leur pays d’origine, d’avoir des rapports autres qu’hétérosexuels.

Une parole libérée mais souvent maladroite

Si une cinquantaine d’athlètes assument leur homosexualité – un chiffre qui peut paraître relativement faible –, c’est une première à cette échelle dans le monde fermé du sport. Bien loin des Jeux d’Athènes, en 2004, où Amélie Mauresmo, alors médaillée d’argent en simple était l’une des seules à assumer son homosexualité. Les sportifs, peut-être plus que d’autres citoyens, sont sous le feu des projecteurs, courtisés par des sponsors, et n’ont pas tous envie de devenir des porte-drapeaux d’une identité sexuelle. Ainsi Amélie Mauresmo estime-t-elle aujourd’hui que son coming out a été fait avec « naïveté ». « Avec le recul et les années, je pense que je l’aurais fait différemment, peut-être un petit peu plus en douceur », a-t-elle affirmé, estimant que se retrouver à 19 ans propulsée comme une figure de proue du mouvement LGBT n’était pas bénéfique pour sa jeune carrière.

Amélie Mauresmo a longtemps été l’une des seules à assumer son homosexualité. | REUTERS / SUZANNE PLUNKETT

Mais si la parole LGBT s’est libérée lors de cette quinzaine olympique, elle n’est pas exempte de certaines maladresses. Un article, publié par The Daily Beast lors de la première semaine des Jeux, citait des athlètes gays ou lesbiens présents sur l’application de rencontre Grindr, au sein du village olympique. Le journaliste « outait » délibérément certains sportifs, sans les nommer mais en les décrivant précisément, alors même qu’ils pouvaient être incriminés par la justice de leur pays d’origine. L’article, retiré depuis, a subi les foudres d’athlètes qui ont pointé du doigt le manque de tact et de précautions pris par le journaliste.

Amini Fonua, un nageur des îles Tonga qui assume son homosexualité, a estimé que l’attitude du journaliste était irresponsable : « Il est toujours illégal d’être gay aux îles Tonga, et même si je suis assez fort pour m’assumer aux yeux de tous, ce n’est pas le cas de tout le monde, tout le monde ne l’est pas. Respectez cela », a-t-il enjoint sur Twitter.

L’idéal olympique renforcé ?

La tenue des Jeux de Rio a longtemps été sujette à polémiques, tant sur le plan de l’organisation qu’à propos des cas de dopage au sein du sport russe. Au point même, aux yeux de certains observateurs, de ternir l’idéal universaliste et égalitaire de l’olympisme. Mais la libération de la parole homosexuelle pourrait bien rester comme l’une des images positives de ces Jeux.

Si l’on se fie à la charte olympique, « chaque individu doit avoir la possibilité de faire du sport sans discrimination d’aucune sorte et dans l’esprit olympique, qui exige la compréhension mutuelle, l’esprit d’amitié, de solidarité et de fair-play. La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle ». A ce titre, il n’est pas étonnant que la quinzaine olympique soit le moment d’une certaine libération de la parole homosexuelle et donne une vitrine à une sexualité qui n’est pas encore toujours considérée dans tous les pays affiliés au CIO.

De même, les diverses polémiques concernant les athlètes intersexes et hyperandrogynes, avec notamment l’athlète sud-africaine Caster Semenya, titrée dans l’épreuve du 800 m, ont ouvert la porte à une réflexion sur la sexualité au sein du sport. Des évolutions sont certainement à venir dans ce domaine, et les Jeux de Rio pourraient bien être un déclencheur.