Image artistique montrant la planète Proxima b en orbite autour de l’étoile naine rouge Proxima du Centaure, étoile la plus proche du Système solaire. | ESO/M. KORNMESSER

Les scientifiques risquent de spéculer encore longtemps sur la présence de vie sur Proxima b, l’exoplanète qui vient d’être découverte autour de Proxima du Centaure, l’étoile la plus proche de nous, distante seulement de 4,2 années-lumière. Les auteurs de science-fiction ont tranché de longue date la question. Le système Alpha du Centaure, avec ses deux étoiles standard A et B et la naine rouge Proxima, est pour eux un formidable moteur à histoires.

La littérature, la télévision, le cinéma, les jeux vidéo et même la poésie se sont donné rendez-vous sur ces voisines stellaires – qui ne sont pourtant visibles que de l’hémisphère Sud. L’écrivain Isaac Asimov dès 1940 y avait mis en scène des Solariens, avant d’y revenir dans son récit Fondations. Les explorateurs de Star Trek y croiseront plutôt des Romuliens, et les exploitants miniers d’Avatar s’y confronteront au Na’vi. Les auteurs Philip K. Dick, Arthur C. Clarke, William Gibson et bien d’autres s’y sont aventurés. Le plus souvent, dans ce système à trois étoiles, Proxima est négligée au profit des deux Alpha. Est-ce parce que leur nom sonne mieux ?

L’incursion récente la plus réussie dans cette banlieue cosmique est due à un écrivain chinois, Cixin Liu, qui, avec son Problème à trois corps (The Three-Body Problem, Tor Books, 2014 ; traduction en français à paraître en octobre chez Actes Sud), a remporté le prix Hugo 2015, la plus prestigieuse récompense anglo-saxonne pour la littérature de science-fiction.

Un système trisolaire

L’auteur s’appuie sur l’étrangeté de ces trois étoiles couplées : leur interaction chaotique rend invivable la planète Trisolaris, tantôt brûlante, tantôt glacée, dont les habitants, contactés par une physicienne rescapée de la Révolution culturelle, décident de trouver un meilleur havre sur la Terre. L’humanité à un peu plus de quatre siècles pour se préparer à l’arrivée des Trisolariens, compte tenu de la distance à parcourir.

Brillant, le récit de Cixin Liu a un peu exagéré le désordre astronomique régnant dans Alpha du Centaure. Proxima tourne autour de ses deux cousines, en cent mille à cinq cent mille ans, sans vraiment les déranger. Guillem Anglada-Escudé, de l’université Queen Mary, à Londres, l’un des découvreurs de Proxima b, estime que l’influence gravitationnelle sur celle-ci des deux Alpha est négligeable, en raison de la distance qui les sépare (0,2 année-lumière).

Si ce système trisolaire perd un peu de son mystère, la question de savoir s’il héberge ou non une vie intelligente reste entière. Les auteurs d’anticipation ont tout le temps devant eux pour y laisser flotter leur imagination : pendant encore trente mille ans environ, Proxima du Centaure sera notre plus proche compagne, avant d’être détrônée pendant dix mille ans par Ross 248, aujourd’hui distante de 10 années-lumière, et trop faible pour être visible à l’œil nu. Derrière son apparence modeste, cette naine rouge qui semble dépourvue de toute planète accompagnatrice recèle peut-être aussi du potentiel littéraire : elle a pour autres noms Gliese 905, mais surtout HH Andromède.