European Commissioner for Employment, Social Affairs, Skills and Labour Mobility Marianne Thyssen talks during a news conference at the EC in Brussels, Belgium, August 24, 2016. REUTERS/Eric Vidal | ERIC VIDAL / REUTERS

Après presque deux mois d’abstinence, Bruxelles a craqué : mercredi 24 août, la Commission européenne a remis officiellement le « cas » grec à son agenda. La commissaire aux affaires sociales, Marianne Thyssen, a pris sans ambiguïtés le parti d’Andreas Georgiou, ex-responsable de l’office national grec des statistiques entre 2010 et 2015, sous le coup d’un procès pour avoir « porté atteinte à l’intérêt de son pays ». Et confirmé qu’elle avait fait parvenir un courrier au gouvernement d’Alexis Tsipras pour réclamer qu’il « garantisse l’indépendance de l’ELSTAT [l’office national des statistiques hellène] ».

M. Georgiou, un ancien du Fonds monétaire international, est accusé avec deux autres de ses collègues de s’être entendu avec Eurostat (l’office européen de statistiques, dépendant de la Commission) afin de grossir les chiffres du déficit et de la dette publique grecs pour l’année 2009. Le but supposé ? Faciliter la mise sous tutelle financière du pays, avec le déclenchement, en 2010, du premier plan d’aide internationale à la Grèce (on en est au troisième, depuis août 2015).

Tourmente financière

La Commissaire Thyssen, qui s’est défendue de vouloir intervenir dans les affaires judiciaires grecques, a cependant souligné que « pour Eurostat et la Commission, les données [de l’ELSTAT] ont été parfaitement fiables et exactes concernant les années 2010 à 2015 » et déclaré « attendre des autorités grecques qu’elles contestent l’impression fausse selon laquelle les données auraient été falsifiées ».

Interviewé par le Financial Times mi-août dernier, M. Georgiou déplorait : « on marche sur la tête. Ceux qui ont produit des statistiques ayant maintes fois été validées par les instances internationales sont poursuivis, alors qu’on laisse tranquille ceux qui sont responsables des chiffres falsifiés dans le passé ». En 2009, la révélation par le premier ministre socialiste George Papandreou que le déficit public grec était en réalité de 12,7 % du produit intérieur brut (PIB), et pas de 6 %, comme l’affirmait son prédécesseur (conservateur), avait précipité le pays dans la tourmente financière.

Le sujet n’a rien d’anodin à Bruxelles où depuis maintenant six ans, les créanciers de la Grèce (principalement le Mécanisme européen de stabilité, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international), se basent sur les données d’Eurostat (qui compile les chiffres des agences nationales) pour ajuster les volumes de prêts accordés à Athènes, en fonction des réformes effectuées par le pays.

Nouvelles négociations

Cette polémique n’est pas non plus dénuée d’intérêts. Après avoir bouclé le versement d’une très grosse tranche de prêts (plus de 10 milliards d’euros, intervenue à la fin du printemps), les créanciers s’apprêtent à retourner à Athènes pour débuter la négociation d’un nouveau versement (toujours dans le cadre du troisième plan d’aide, de 86 milliards d’euros au total), en échange de réformes supplémentaires.

Les représentants de la Commission pourraient lancer cette nouvelle « revue » dès octobre prochain. Au menu, précisément ? La « modernisation et la dépolitisation » de l’administration publique grecque, et des dispositions pour « renforcer l’autonomie et l’indépendance des agences indépendantes comme l’ELSTAT » précise une source européenne. Le sujet devrait être au menu de la prochaine réunion des ministres des finances de l’Eurozone, le 9 septembre à Bratislava (Slovaquie). Les déclarations musclées de Mme Thyssen pourraient aussi avoir pour but de « préparer le terrain » de la revue en faisant monter la pression sur Athènes.

De son côté, le gouvernement Tsipras espère enfin, dans les mois qui viennent, arracher aux créanciers du pays des concessions tangibles concernant l’énorme dette du pays (180 % de son PIB) dont il réclame la réduction depuis son accession au pouvoir, en janvier 2015. Début août, le ministre d’Etat Nikos Pappas, un très proche de M. Tsipras, avait réclamé, à propos de M. Georgiou, une enquête approfondie afin de déterminer « comment et si les déficits avaient été exagérés pour préparer la décision politique qui a déclenché le « memorandum of understanding » [le contrat prêts contre réformes] pour la Grèce »… Les escarmouches ne font a priori que commencer.