Dans la clinique de Sarmin, au sud-est d’Idlib, le 17 mars 2015. Le régime syrien est accusé d’avoir répandu du gaz de chlore lors d’une offensive dans le village la veille. | MOHAMAD ZEEN / AFP

Trois ans après l’attaque chimique qui avait fait des centaines de morts dans la Ghouta, une banlieue de Damas, le 21 août 2013, et conduit au démantèlement de l’arsenal chimique de la Syrie, le président syrien, Bachar Al-Assad fait face à de nouvelles accusations. Une enquête conjointe des Nations unies (ONU) et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a conclu que les forces du régime syrien se sont rendues coupables de deux attaques toxiques et l’organisation Etat islamique (EI), d’une autre, en 2014 et 2015. Ce rapport de 95 pages, qui sera débattu au Conseil de sécurité de l’ONU mardi 30 août, pourrait donner lieu à des sanctions contre le régime syrien.

Le groupe de 24 enquêteurs, baptisé Joint Investigative Mechanism (JIM, mission d’enquête conjointe), a été mis en place par l’ONU et l’OIAC en août 2015 après des attaques au chlore contre trois villages syriens, qui avaient fait 13 morts. Ils ont mené leurs recherches sur neuf attaques chimiques présumées menées dans sept régions de Syrie en 2014 et 2015, où des investigations de l’OIAC avaient déjà conclu à l’usage de substances chimiques sans en désigner les responsables.

« Une abomination » selon Jean-Marc Ayrault

Les enquêteurs de la mission ont conclu que des hélicoptères militaires syriens ont répandu du gaz de chlore sur deux localités de la province d’Idlib (nord-ouest), à Talmenes le 21 avril 2014 et à Sarmin le 16 mars 2015. L’EI a de son côté utilisé du gaz moutarde à Marea, dans la province d’Alep, dans le nord du pays, le 21 août 2015. Le rapport préconise un complément d’enquête pour trois autres attaques menées dans les provinces de Hama et de Idlib (nord-ouest).

« Il est maintenant impossible de nier que le régime syrien ait fait usage de manière répétée de gaz de chlore comme une arme contre son propre peuple », a réagi le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, Ned Price. « Nous appelons fermement tous les Etats à soutenir une action ferme et rapide de la part du Conseil de sécurité », a abondé l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, Samantha Power. La France, comme ses partenaires occidentaux, entend faire pression sur la Russie, alliée de Damas, lors du débat prévu au Conseil le 30 août.

« L’utilisation d’armes chimiques (…) est une abomination qui met en lumière le rôle accablant joué par le régime de Damas dans la détérioration continue de la situation en Syrie. Elle appelle une réaction à la hauteur de sa gravité », a réagi le ministre des affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault.

Le chlore, pas répertorié comme arme chimique

La résolution 2118, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité le 27 septembre 2013, stipule la possibilité de prendre des sanctions ou de recourir à la force militaire dans le cadre du chapitre 7 de la charte des Nations unies, en cas de non-respect des engagements pris par le régime syrien. Aux termes de l’accord conclu le 14 septembre 2013 sous les auspices des Etats-Unis et de la Russie, le président Assad s’était engagé à détruire ses stocks d’armes chimiques, notamment le gaz moutarde et de sarin, et il avait adhéré à la Convention pour l’interdiction des armes chimiques. En janvier 2016, l’OIAC a annoncé que l’arsenal chimique syrien avait été détruit. Mais le chlore, qui a des usages industriels, n’est pas répertorié comme arme chimique en tant que tel.

L’application du chapitre 7 requiert le vote d’une résolution, loin d’être acquis. Moscou a toujours affirmé qu’il n’y avait pas de preuves formelles de la culpabilité de son allié, qui nie user d’armes chimiques. La Russie et la Chine, qui ont plusieurs fois fait usage de leur droit de veto en faveur du régime de Bachar Al-Assad depuis le début du conflit en mars 2011, pourraient à nouveau bloquer une initiative du Conseil.