Didier Deschamps, le 25 août, à Paris. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

« C’est déjà derrière nous. » De son propre aveu, Didier Deschamps a « eu besoin de temps pour digérer » la défaite (1-0 en prolongation) douloureuse des Bleus contre le Portugal, le 10 juillet, en finale de « leur » Euro. Bronzé et reposé, le sélectionneur des Tricolores effectuait sa rentrée médiatique, jeudi 25 août, dans l’auditorium bondé du siège parisien de la Fédération française de football (FFF). Comme à son habitude, le technicien a joué sur du velours en communiquant aux journalistes sa liste de 23 joueurs convoqués pour le match amical contre l’Italie, prévu le 1er septembre à Bari, et pour la rencontre de qualification pour le Mondial russe de 2018, programmée en Biélorussie, cinq jours plus tard.

« On doit s’appuyer sur ce qu’on a fait durant l’Euro », a martelé Deschamps, qui a tout de même procédé à sept changements par rapport au groupe vice-champion d’Europe. Blessé aux ischio-jambiers et indisponible un mois, le capitaine et gardien Hugo Lloris a logiquement cédé sa place au jeune Alphonse Areola, 23 ans et doublure au PSG du portier allemand Kevin Trapp.

Des arrivées et des retours

Sur le flanc, l’expérimenté Bacary Sagna (33 ans) n’a pas non plus été retenu. L’absence du latéral droit de Manchester City a pour conséquences la première convocation en bleu de l’arrière lillois Sébastien Corchia, 25 ans, et l’arrivée du néophyte Djibril Sidibé, 24 ans, déjà présent dans la liste des huit réservistes pour l’Euro. Touché à la cheville à l’entraînement avec le Bayern Munich et indisponible six semaines, l’ailier Kingsley Coman (20 ans) n’a lui non plus pas été sélectionné. Jeu de chaises musicales oblige, les portes de la sélection s’ouvrent donc à nouveau pour le revenant Nabil Fekir – qui a confié ses intérêts à Jean-Pierre Bernès, agent par ailleurs de Deschamps –, indisponible durant près de neuf mois la saison dernière et performant avec l’Olympique lyonnais.

Buteur à cinq reprises avec l’OL depuis l’entame de la saison de Ligue 1, l’attaquant Alexandre Lacazette signe, lui aussi, son retour chez les Tricolores après avoir figuré dans le groupe des huit réservistes pour l’Euro. Poussé vers la sortie par son nouvel entraîneur Pep Guardiola, le défenseur central de Manchester City Eliaquim Mangala cède, lui, sa place à Raphaël Varane, 23 ans, auteur d’un bon début de saison avec le Real Madrid. Forfait de dernière minute pour l’Euro, le vice-capitaine des Bleus réintègre logiquement la sélection. En méforme, le latéral droit Christophe Jallet et le milieu Morgan Schneiderlin n’ont pas été convoqués.

Ecarté à Liverpool et privé d’Euro après un contrôle positif à un « brûleur de graisses » (il a été blanchi le 8 juillet par l’UEFA), le défenseur central Mamadou Sakho n’a pas été retenu par Didier Deschamps. Le sélectionneur a préféré s’appuyer sur Adil Rami, 30 ans, auteur de performances contrastées durant l’Euro, et qui a lui aussi confié ses intérêts à Jean-Pierre Bernès.

L’absence du vétéran Patrice Evra

En quête d’un nouveau point de chute après la relégation de Newcastle en deuxième division anglaise, le milieu Moussa Sissoko a été convoqué par le patron des Bleus. Et ce en dépit du fait que l’ex-« piston » des Magpies s’entraîne en solitaire depuis plusieurs semaines. « Sa situation devrait se régler rapidement, a estimé Deschamps. Je n’avais pas envie de ne pas le prendre. » Le sélectionneur n’a en revanche pas eu envie de convoquer le milieu Lassana Diarra, 31 ans, forfait de dernière minute pour l’Euro et désireux de quitter l’Olympique de Marseille. « Il a besoin de retrouver la compétition. A son meilleur niveau, il a le niveau international », a balayé la « Dèche ».

Mais l’absence la plus notable et symbolique reste celle du vétéran et latéral gauche Patrice Evra (35 ans et 80 sélections depuis 2004), pourtant rigoureux et solide durant l’Euro. « Patrice est toujours à son niveau, mais je dois me projeter sur une Coupe du monde qui a lieu dans deux ans, a développé Deschamps pour justifier la mise à l’écart du taulier de son vestiaire, cinq phases finales de compétitions internationales au compteur. Patrice a son âge. A lui de maintenir le niveau qu’il a aujourd’hui. Mais ça semblait important de pouvoir donner du temps de jeu et des responsabilités à des joueurs plus jeunes. »

Patrice Evra, le 4 juin, à Metz. | VINCENT KESSLER / REUTERS

Cette décision sonne comme un désaveu pour celui que les Bleus surnomment « Tonton Pat’», compétiteur hors pair et peu enclin à céder sa place à ses  « neveux ». « La porte n’est pas fermée », a certifié Deschamps, qui a appelé le joueur de la Juventus Turin pour le prévenir de sa mise à l’écart.

Assumant cette cure de rajeunissement à marche forcée, le sélectionneur offre ainsi les commandes à Layvin Kurzawa, 23 ans, écarté avant l’Euro mais brillant avec le PSG depuis le début de saison, et Lucas Digne, le même âge, récemment transféré au FC Barcelone. « Ce n’est pas en étant dans le groupe, sans jouer, qu’ils vont s’affirmer, insiste Deschamps. Cela me permettra de voir l’évolution d’autres joueurs qui sont déjà venus. A Lucas Digne et Layvin Kurzawa de saisir cette opportunité. C’est important, dès ce premier rassemblement, de leur montrer que je pense à eux. »

Le cas Benzema

Pour entamer cette longue marche vers le Mondial russe, le sélectionneur s’appuie logiquement sur ses valeurs sûres au milieu de terrain (Paul Pogba, Blaise Matuidi, Dimitri Payet entre autres) et sur son imposant réservoir offensif (Olivier Giroud, Antoine Griezmann, André-Pierre Gignac, Anthony Martial). A contrario, il a choisi de ne pas convoquer Hatem Ben Arfa, 29 ans, nouvelle recrue du PSG, qui figurait parmi les huit réservistes pour l’Euro. « Il n’est pas au meilleur de sa forme, je le suivrai avec attention », a expliqué le technicien.

Pour Deschamps, le cas le plus sensible reste celui du buteur Karim Benzema, actuellement blessé avec le Real Madrid et absent de cette « liste de rentrée ». Mis en examen dans ladite affaire du chantage à la sextape, dont son coéquipier Mathieu Valbuena est la victime, l’attaquant de 28 ans avait été écarté par le sélectionneur, le 10 avril. Avant l’Euro, dans un entretien au journal sportif espagnol Marca, l’avant-centre des Merengue avait accusé Deschamps d’avoir « cédé à la pression d’une partie raciste de la France » en ne le retenant pas pour le tournoi. En décembre 2015, le président de la FFF, Noël Le Graët, avait assuré que le meilleur buteur des Bleus en activité (27 réalisations) était suspendu en sélection jusqu’à ce que son dossier judiciaire avance.

La porte est-elle définitivement fermée pour Benzema ? « Benzema était sélectionnable à l’Euro comme aujourd’hui. Après, c’est à moi de le sélectionner ou pas, a sobrement commenté Deschamps. Les déclarations de Benzema étaient un peu hors sujet. C’est arrivé à d’autres et ils sont revenus en équipe de France. Même s’il était disponible aujourd’hui, je n’aurais pas pris Benzema. Je considère que ce n’est pas le moment. »

Sans Benzema, les Bleus entameront leur parcours qualificatif dans une poule relevée. Après leur déplacement en Biélorussie, ils recevront la Bulgarie, le 7 octobre, avant d’affronter les Pays-Bas à Amsterdam, trois jours plus tard. Le 11 novembre, les Tricolores affronteront ensuite la Suède, orpheline de sa star Zlatan Ibrahimovic. Entre continuité et rajeunissement, Deschamps espère passer sans encombre les premières étapes de cette longue route vers le Mondial russe.