Le ministre sud-africain des finances Pravin Gordhan, à Johannesburg le 14 mars 2016. | SIPHIWE SIBEKO / REUTERS

En refusant mercredi 24 août de se plier à la convocation des « Hawks », un corps d’élite de la police qui enquête sur lui, le ministre sud-africain des finances Pravin Gordhan a déclenché ce que la presse locale qualifie déjà de « SARS Wars », impliquant au-delà de la police, la présidence.

Avant d’être ministre, M. Gordhan a été à la tête du fisc sud-africain (SARS) de 1999 à 2009. Il est soupçonné d’y avoir couvert une entreprise d’espionnage d’hommes politiques, dont l’actuel président Jacob Zuma.

« Laissez-moi faire mon travail »

« Je n’ai aucune obligation légale de me présenter à cette convocation des  Hawks [Faucons]. Je ne compte pas m’y présenter, a expliqué Pravin Gordhan dans un communiqué. J’ai un travail à faire dans un environnement difficile pour servir l’Afrique du Sud du mieux que je peux. Laissez-moi faire mon travail. »

Suite à cette annonce, le rand sud-africain qui avait déjà perdu mardi soir 4 % de sa valeur face au dollar a lâché un peu plus de terrain. Mercredi soir, un dollar s’échangeait contre 14,20 rands au lieu de 14,07 rands dans l’après-midi.

Dans une lettre qu’il a transmise aux Hawks mercredi, Pravin Gordhan reconnaît l’existence d’une unité d’enquête au sein du SARS, mais assure qu’elle a été créée avec l’aval du gouvernement de l’époque, pour mieux lutter contre l’évasion fiscale.

L’ombre de Jacob Zuma

« De ce que je sais, cette unité a rempli ses fonctions en respectant la loi », précise le ministre. En mars, M. Gordhan s’était déjà plaint de recevoir des « intimidations » de la part des Hawks, au sujet de cette affaire.

L’ombre de Jacob Zuma semble planer sur l’action des Hawks. Les relations entre le président sud-africain et son ministre des finances sont en effet connues pour être plutôt fraîches.

En avril, alors que Jacob Zuma avait été reconnu coupable d’avoir violé la constitution en refusant de rembourser l’argent public utilisé pour rénover sa propriété privée, M. Gordhan avait fait une sortie remarquée. « Une fois que vos actions sont jugées contraires » à la Constitution, « on doit réaliser qu’on s’éloigne de son devoir de servir le peuple », avait-il alors lancé.

Respecté des investisseurs

Pravin Gordhan avait été nommé en décembre 2015, principalement pour rassurer les investisseurs qui s’étaient émus du remplacement du respecté ministre Nhlanhla Nene par un député inexpérimenté. Alors que la devise nationale chutait, le président, sous le feu des critiques, avait dû appeler quelques jours plus tard dans la panique Pravin Gordhan, qui avait déjà occupé ce poste de 2009 à 2014.

A l’époque plusieurs analystes avaient estimé que M. Nene payait son opposition au président Zuma dans des dossiers concernant des compagnies publiques. Mais depuis sa prise de fonctions, Pravin Godhan n’a pas hésite à régulièrement mettre l’accent sur l’importance de la bonne gestion des entreprises publiques.

« Il est grand temps que des individus ou des groupes d’individus cessent de jouer avec les entités publiques comme s’il s’agissait de leur petit joujou dont ils peuvent tirer profit », avait-il notamment lancé en décembre.