Des membres des forces palestiniennes de sécurité à Naplouse, le 19 août 2016. | JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Des policiers palestiniens lourdement équipés quadrillent la vieille ville de Naplouse, la « capitale » du nord de la Cisjordanie. L’ambiance est électrique dans la Casbah, un dédale de rues étroites et de commerces dont les rideaux sont restés baissés depuis mardi 23 août. Des jeunes lancent des pierres sur les forces de l’ordre, qui répliquent avec des gaz lacrymogènes.

La nuit, des tirs d’armes automatiques résonnent. « Ils visent le ciel », sourit le responsable d’un centre culturel palestinien. Après la mort de cinq Palestiniens en cinq jours, les résidents réclament la démission du premier ministre palestinien, Rami Hamdallah, et du gouverneur de Naplouse, Akram Rajoub.

Kalachnikovs, fusils d’assaut…

Vendredi 19 août, les forces palestiniennes ont été prises sous le feu alors qu’elles perquisitionnaient des maisons à la recherche d’armes dans le centre historique. Les autorités ont annoncé la mort de deux policiers, ainsi que de deux « criminels ». Les tensions se sont encore intensifiées, mardi, quand les habitants de la ville ont appris qu’Ahmed Izz Halaoua avait été battu à mort par des policiers palestiniens alors qu’il venait d’être transféré dans la prison de la ville.

« La recherche des armes détenues illégalement à Naplouse et dans le reste de la Cisjordanie va se poursuivre. »

Décrit comme l’instigateur de la fusillade, M. Halaoua était un membre important des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du Fatah, officiellement dissoute par le président Mahmoud Abbas à la fin de la seconde Intifada (2000-2005). Dans la Casbah, personne ne souhaite confirmer si Ahmed Halaoua mettait à profit son prestige d’ancien combattant pour s’adonner au trafic de drogue et d’armes, comme l’en ont accusé les responsables palestiniens, qui ont tout de même ordonné une enquête sur les circonstances de sa mort.

Porte-parole des forces de sécurité palestiniennes, le général Adnan Dmeiri claironne à l’agence officielle palestinienne Wafa sa détermination : « La recherche des armes détenues illégalement à Naplouse et dans le reste de la Cisjordanie va se poursuivre. » Outre les « traditionnelles » kalachnikovs, au moins trois fusils d’assaut américains M16 ont été saisis dans la vieille ville. Depuis le début de l’été, le gouvernement de Ramallah a décidé de s’attaquer au problème en lançant une série d’opérations contre les militants armés.

Des armes saisies lors de l’opération des forces de sécurité palestiniennes à Naplouse, le 21 août 2016. | JAAFAR ASHTIYEH / AFP

Les autorités ont dans leur viseur les hommes du Hamas, le parti islamiste, mais aussi les dissidents qui, au sein du Fatah, refusent de rentrer dans le rang. Ces anciens des brigades armées du parti de Yasser Arafat, qui n’ont jamais été intégrés à l’appareil sécuritaire palestinien, ne digèrent pas la coopération entre l’Autorité palestinienne et Israël. Ces anciens combattants ont conservé leurs armes et règnent en mafia dans certains quartiers. Naplouse fait figure d’exemple.

« Risque de contagion »

Beaucoup se demandent ce qui a poussé le gouvernement palestinien à agir, alors que le statu quo semblait arranger tout le monde. De son bureau climatisé, Ghassan Shakaa, ancien édile de la cité et membre du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), salue cette reprise en main décidée par Ramallah, trop longtemps dépossédée de tout pouvoir dans le quartier historique où vivent environ 30 000 personnes. « Ces dernières années, les membres du Fatah qui ont plongé dans la criminalité bénéficiaient d’un traitement de faveur. Mais cette époque est révolue, car le risque de contagion nous préoccupe », dit-il.

Interrogée par Le Monde, une source sécuritaire israélienne confirme que l’Etat hébreu suit de près l’évolution dans la ville contrôlée – théoriquement – par Ramallah. « Les Palestiniens ont lancé, de leur propre initiative, ces opérations pour récupérer les armes », confie ce responsable israélien, qui reconnaît une convergence d’intérêts dans cette offensive.

Rangers noirs aux pieds, regard sombre, Ahmad Al-Hanballed propose, lui, une tout autre explication. Pour cet ancien militant des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, qui a passé sept ans dans les prisons israéliennes pour son implication dans les activités de sa faction armée, c’est la succession de Mahmoud Abbas, 81 ans, à la présidence de l’Autorité palestinienne et du Fatah qui se joue. « Celui qui contrôle Naplouse contrôle la Palestine », tranche-t-il. Alors que des élections municipales doivent se tenir le 8 octobre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, plusieurs responsables locaux du Fatah ont réclamé le report du scrutin dans la cité tant que le calme n’y est pas revenu.

Des membres des forces palestiniennes de sécurité à Naplouse, le 23 août 2016. | JAAFAR ASHTIYEH / AFP