Le Sénat brésilien a commencé à examiner le 25 août 2016 la procédure de destitution de la présidente Dilma Rousseff. | Eraldo Peres / AP

Le procès en destitution de la présidente brésilienne Dilma Rousseff, n’avait pas encore commencé jeudi 25 août, que Michel Temer, son suppléant désigné, criait déjà victoire. Décrit par ses contempteurs comme un opportuniste et un traître, l’homme attend son heure, impatient de représenter son pays lors du G20 de Hangzhou, en Chine, les 4 et 5 septembre.

Si ses pronostics s’avèrent exacts, le président du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), classé au centre mais à l’idéologie mouvante, pourrait devenir officiellement chef d’Etat du Brésil à l’issue d’une semaine de procès clôturé par un vote au Sénat, prévu entre le 30 et le 31 août.

L’épilogue d’une rocambolesque et polémique procédure d’« impeachment » (destitution) lancée en décembre dans un pays dévasté par la crise économique et ulcéré par les scandales de corruption mis au jour par l’enquête « Lava-Jato » (« Lavage express »).

« Semaine de honte nationale »

A en croire les médias brésiliens, le sort de la présidente de gauche, éloignée du pouvoir depuis le 12 mai, est scellé. Elle a besoin du vote d’un tiers du Sénat pour reprendre ses fonctions. Or, selon le décompte de La Folha de Sao Paulo, seuls 18 sénateurs sur 81 la soutiennent contre 51 favorables à sa destitution et quatorze indécis.

La dauphine de l’ancien chef de l’Etat Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) est accusée d’infraction à la loi de responsabilité budgétaire et d’avoir maquillé les comptes publics via une acrobatie financière appelée « pédalage budgétaire ». Une pratique à laquelle se sont adonnés d’autres dirigeants qui aurait contribué à masquer la réalité du déficit public. La « prévenue », Dilma Rousseff se dit non coupable. Elle se présente comme une femme honnête et innocente, dénonçant depuis des mois une procédure d’impeachment aux allures de « coup d’Etat ».

Dilma Rousseff lors d’un rassemblement du Parti des travailleurs à Brasilia, le 24 août 2016. | ANDRESSA ANHOLETE / AFP

A ses côtés se tient Lula, qui a déploré depuis Niteroi dans l’Etat de Rio le début d’une « semaine de honte nationale », mais aussi les militants de gauche et en particulier du Parti des travailleurs (PT, gauche) ainsi qu’une partie de l’élite culturelle brésilienne et internationale. Mercredi, 22 personnalités se solidarisaient à la présidente dans une lettre signée, notamment par le réalisateur américain Oliver Stone, les acteurs Susan Sarandon et Danny Glover ou la styliste britannique Vivienne Westwood.

Ils y dénoncent une destitution au motif juridiquement « discutable », notant des « preuves convaincantes » que la réelle motivation de cet impeachment serait d’étouffer l’enquête « Lava-Jato » qui a mis au jour les ramifications économiques et politiques d’un système de pots-de-vin lié au groupe public pétrolier Petrobras. Les « preuves convaincantes » font référence notamment à une conversation enregistrée en mars entre Romero Juca, bras droit de Michel Temer, et l’ancien directeur d’une filiale de Petrobras, Sergio Machado où il est question d’un « pacte » pour mettre fin au gouvernement de Dilma Rousseff afin d’éviter « l’hémorragie » provoquée par les investigations.

Un tsunami n’épargnant personne

Le paradoxe de cet impeachment réclamé depuis 2015 par une rue exaspérée par la corruption, est que la procédure a été déclenchée en décembre par le président de la chambre des députés, Eduardo Cunha. Un maître en intrigues politiques accusé de corruption et de blanchiment d’argent démis de ses fonctions, en mai, pour entrave à la justice, avant de démissionner début juillet.

A écouter des proches de Lula, la destitution de Dilma Rousseff se résume en un mot : « Globo. » La chaîne de télévision surpuissante, à laquelle il est reproché d’être aux ordres des milieux d’affaires et des nantis, aurait, à l’instar de la plupart des médias brésiliens, fait une lecture partiale des scandales de corruption pour démolir le PT et son icône, Lula. Le travail de sape aurait consisté à feuilletonner les affaires le visant négligeant les enquêtes sur les membres de l’opposition.

De fait, l’opération « Lava-Jato » est un tsunami qui ravage la vie politique brésilienne n’épargnant personne. Après treize ans au pouvoir, le Parti des travailleurs déjà sali par le scandale du Mensalão en 2005 (achat de voix par les membres du congrès) sous le premier mandat de Lula, en souffre comme le PMDB et bien d’autres formations.

A ce jour, Dilma Rousseff n’a pourtant pas été directement inquiétée par l’enquête, mais ses détracteurs lui reprochent une gestion calamiteuse du pays. Même les militants de gauche peinent à défendre une présidente accusée d’avoir trahi leurs idéaux en menant une politique de rigueur. A demi écœuré, las et tenté par le « tous pourris » le Brésil semble ainsi s’être résigné à faire du très impopulaire Michel Temer, leur nouveau chef d’Etat.