Une manifestation des producteurs de lait, à Changé, en Mayenne, le 24 août 2016. | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

La mobilisation des producteurs laitiers ne faiblit pas dans le Grand Ouest. Et elle s’étend même à toute la France, face au blocage des négociations sur le prix du lait avec Lactalis. Les éleveurs reprochent notamment au géant laitier de ne pas payer « le juste prix du lait » et réclament une augmentation.

A l’issue d’une discussion avec les Jeunes agriculteurs (JA) et la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) a ainsi annoncé lundi 29 août qu’elle organiserait des actions devant une quinzaine d’usines de Lactalis, à partir de 20 heures.

« Toutes les régions sont mobilisées », a fait savoir le secrétaire général de la FNSEA, Dominique Barrault. Les actions devant les usines seront accompagnées d’opérations de sensibilisation des consommateurs qui débuteront dans l’après-midi.

Des manifestations depuis une semaine

Des agriculteurs se rendront ainsi dans des supermarchés en Bretagne, dans le Grand Est, les Hauts-de-France ou en Rhône-Alpes pour mener des opérations de « stickage » – qui consistent à poser des autocollants portant des slogans anti-Lactalis sur les produits du groupe, pour interpeller les consommateurs.

Des « circulations de tracteurs » sont également prévues près de sites Lactalis en Haute-Saône, ainsi qu’un sit-in à Cesson-Sévigné, près de Rennes. Les sections locales de la FDSEA doivent détailler lundi après-midi les actions qu’elles prévoient.

Cela fait maintenant une semaine que les producteurs de lait ont entamé leurs actions contre Lactalis, qui détient notamment les marques Lactel, Bridel ou Président. Dès le lundi 22 août, à l’initiative de la FNSEA et des Jeunes agricultures, plusieurs centaines d’agriculteurs venus de Bretagne, des Pays de la Loire et de Normandie ont investi l’entrée du siège de Lactalis, à Laval (Mayenne).

Les producteurs se sont relayés toute la semaine pour bloquer une des routes menant à l’entreprise. Le blocage a été levé vendredi 26 août par les syndicats.

Action de producteurs de lait dans un supermarché de Louvroil (Nord), le 27 août 2016. | FRANCOIS LO PRESTI / AFP

Ce qui ne signifie toutefois pas la fin de la mobilisation. Une quinzaine de syndicalistes de la FDSEA ont ainsi retiré samedi des rayons d’un supermarché à Louvroil (Nord) des produits Lactalis.

Lancée sur le site i-boycott.org, une campagne vise également à sensibiliser les consommateurs au devenir de la filière laitière. En élargissant la mobilisation à l’ensemble du pays, les producteurs de lait, qui sont 20 % à travailler pour Lactalis, cherchent désormais à accroître la pression sur le géant laitier.

Car, en parallèle de ces actions, les différentes négociations qui se sont tenues la semaine dernière ont échoué.

Des discussions au point mort

Le médiateur des relations commerciales agricoles Francis Armand, après l’échec des négociations le 25 août, à Paris. | MATTHIEU ALEXANDRE / AFP

Les pourparlers sur le prix du lait, jeudi à Paris et vendredi à Laval, n’ont rien donné. Et aucune date n’a été évoquée pour une éventuelle reprise des discussions. Lactalis est d’ailleurs resté silencieux depuis vendredi. Le numéro un du secteur paye actuellement 257 euros les 1 000 litres de lait, soit 10 à 30 euros de moins que ses concurrents Bongrain, Sodiaal ou Danone.

Face à l’impasse des négociations, le groupe laitier a proposé une augmentation de 15 euros la tonne, soit environ 271 euros, à partir du 1er septembre. Un prix perçu comme un camouflet par les agriculteurs, qui estiment leur coût de production à 300-320 euros au minimum la tonne. Le médiateur des relations commerciales agricoles, Francis Armand, a également lancé « une proposition de la dernière chance à 280 euros les 1 000 litres » pour les cinq derniers mois de 2016. Cette augmentation de 23 euros le litre a été acceptée par Lactalis, mais refusée par les représentants des producteurs.

Le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, le 27 août 2016, à Mareil-en-Champagne (Sarthe). | JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

La numéro deux de la FNSEA, Christiane Lambert, s’est dite dimanche « très déçue du comportement de Lactalis, qui affirme être prêt à participer aux négociations mais qui, à côté de ça, ne propose que des prix dérisoires ». Le premier syndicat agricole a mis en garde le géant laitier : le mouvement ne s’arrêtera que lorsque les discussions reprendront.

De son côté, le ministre de l’agriculture, Stéphane le Foll, est monté au créneau pour défendre les producteurs de lait.

« Lactalis est le numéro un mondial des produits laitiers, et qui paye le litre de lait le plus bas de toutes les laiteries françaises. Ça, je l’ai dit et je le répète, je considère que ce n’est pas acceptable et qu’il doit y avoir de la part de Lactalis un effort pour se mettre au niveau de tous les autres. »

Mais il le reconnaît, il ne peut pas « négocier les prix à la place des acteurs économiques, ou alors il faut dire qu’on est dans une situation où les prix sont décidés par le ministère ».

Une crise qui s’installe

Cela fait maintenant deux ans que la situation des producteurs laitiers, notamment en Europe, s’est dégradée. En cause : la fin des quotas laitiers le 1er avril 2015, le ralentissement des importations chinoises et l’embargo russe, décrété mi-2014. La demande interne n’ayant pas augmenté, s’en est alors suivie une surproduction.

Mobilisation des producteurs laitiers à Laval (Mayenne), le 23 août 2016. | David Vincent / AP

Après avoir atteint 365 euros la tonne en 2014, les prix sur le continent sont tombés à 305 euros en 2015, avant d’atteindre 275 actuellement. A cause notamment de ces prix trop bas, le taux de cessation d’activité dans les 60 000 exploitations françaises devrait doubler en 2016 pour avoisiner les 9 %.

Tous les producteurs européens sont touchés par cette crise de la filière laitière. Pour enrayer cette surproduction, qui tire les prix vers le bas, la Commission européenne a décidé en juillet de débloquer 500 millions d’euros pour inciter les agriculteurs à réduire leurs volumes. Ces financements seront répartis dans deux enveloppes.

La première, de 150 millions d’euros, doit permettre aux producteurs de lait de réduire leur production, avec un objectif d’une diminution de 1,4 million de tonnes de lait. Les agriculteurs volontaires seront rémunérés au prorata des litres non produits, soit environ 10,7 centimes d’euro le kilo de lait.

La seconde tranche, de 350 millions d’euros, sera versée à tous les Etats membres. Elle sera répartie en fonction notamment de la quantité de petites exploitations qu’ils comptent. La France devrait ainsi percevoir près de 50 millions d’euros.

La crise du lait