Rendre hommage au père de la révolution burkinabée est un défi de taille. Le projet, initié par le ministre de la culture, Tahirou Barry, et porté désormais par la société civile burkinabée avec l’accord de la famille Sankara, est lancé. Pour le comité de réflexion qui le pilote, il s’agit de fédérer plusieurs initiatives associatives, visant à rappeller les valeurs défendues par la révolution burkinabée d’août 1983.

L’initiative a reçu le soutien de l’ancien président ghanéen, Jerry Rawlings, qui présidera un comité international sur le mémorial. Les coûts et l’architecture du mausolée restent pour l’instant inconnus. Le comité de réflexion a laissé entrevoir sa volonté d’ériger le mémorial sur le lieu où Thomas Sankara a été assassiné le 15 octobre 1987, à l’âge de 37 ans, à Ouagadougou. On l’appelle communément le Conseil de l’entente.

Lieu symbolique

Pour Abdou Salam Kaboré, compagnon et ministre de la santé de Thomas Sankara, le lieu est symbolique : « C’est là que nous tenions nos réunions et faisions du sport. C’est là que Thomas a été assassiné. »

Situé le long du boulevard Charles-de-Gaulle, à quelques encâblures de l’ancienne présidence, le Conseil était jusqu’en septembre 2015 une caserne de l’armée de terre affectée à l’ex-régiment de la sécurité présidentielle. A l’origine, il a été le siège du Conseil de l’entente, et a servi de siège au Conseil national de la révolution, le gouvernement dirigé par Thomas Sankara. Aux yeux des Burkinabés, le Conseil est devenu tristement célèbre pour avoir aussi été le théâtre de l’assassinat du leader charismatique et de ses compagnons, et plus tard de Dabo Boukari, un étudiant syndicaliste.

« Ce n’est pas possible que l’on nous refuse ce lieu, sauf si nous ne le voulons pas », a martelé Serge Bambara, alias Smockey, un membre du comité de réflexion. Des voix discordantes commencent cependant à se faire attendre. L’Initiative Centre Thomas-Sankara, engagée dans un projet de construction d’un lieu consacré à celui qui a dirigé le pays entre août 1983 et octobre 1987, s’est désolidarisée du choix du Conseil de l’entente comme site pour le mémorial.

Avec le gouvernement

Issa Tiendrébéogo, président de cette association, a confié vouloir relancer les discussions avec le ministre et le comité de réflexion sur ce choix. Quant à Bruno Jaffré, biographe de Thomas Sankara, il n’admet pas la collaboration avec le gouvernement dans ce projet : « Nous craignons que le gouvernement se donne bonne conscience à bon compte. »

Il s’agit également d’une position de principe adoptée par l’équipe du site web dédié à Thomas Sankara, dont Bruno Jaffré est l’un des fondateurs : « Toute collaboration avec le gouvernement, toute subvention de sa part doit pour l’instant être refusées, tant que justice n’est pas rendue sur les assassinats du 15 octobre », peut-on lire dans un communiqué publié dimanche 28 août sur le site Internet.

Les conditions qui entourent la mort de Thomas Sankara restent mystérieuses. Après une première expertise qui n’avait révélé aucune trace d’ADN sur les restes des corps de Thomas Sankara et de ses compagnons, une contre-expertise ADN a été demandée dont la date doit encore être fixée. En attendant la justice, le projet de mausolée devrait, lui, être lancé officiellement le 2 octobre.