Le président du Medef, Pierre Gattaz (à gauche) et le directeur général de l’organisation patronale Michel Guilbaud (au centre), le 30 juin 2016, à Matignon. | BERTRAND GUAY / AFP

« Donnez-nous des raisons d’y croire. » Tel est le thème sur lequel les patrons interpelleront, mardi 30 et mercredi 31 août, lors de l’université d’été du Medef, à Jouy-en-Josas (Yvelines), les principaux candidats à la primaire de la droite. Successivement passeront sur le « gril » François Fillon, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et Alain Juppé. Autant dire que, du côté de l’organisation patronale, la gauche, on n’y croit plus, si tant est que l’on y ait jamais cru un jour, et on reporte tous ses espoirs sur la droite. A huit mois de l’élection présidentielle, entre le gouvernement et l’organisation patronale, les relations sont au point mort, voire exécrables. « Personne ne s’est jamais fait aucun doute sur la préférence politique des chefs d’entreprise. C’est dans la nature des choses : à la fin d’un quinquennat, ils n’ont plus
rien à obtenir de nous »,
lâche, fataliste, un poids lourd du gouvernement.

Il est loin le temps où, en août 2012, alors que la gauche venait de reconquérir le pouvoir, le premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, accompagné d’une dizaine de membres de son gouvernement, marquait de sa présence le campus patronal « dans un esprit d’ouverture et de confiance ». Rapidement, pourtant, les tensions sont apparues, au point que, dès 2013, le Medef plaçait son université d’été sous le signe du « combat ». Malgré tout, ils étaient encore sept ministres, dont les principaux interlocuteurs de Bercy, à se plier à l’exercice. Et à donner des gages au patronat, après la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, se présentant comme le « ministre des entreprises », les exhortait à « être au combat ensemble ».

Lune de miel

La gauche avait opéré, sur la question de la compétitivité, une véritable conversion. Sans pour autant parvenir à convaincre pleinement ses interlocuteurs patronaux. Malgré les gages qui lui étaient apportés, le nouveau président du Medef, Pierre Gattaz, se disait « pas pleinement rassuré ». Cela allait d’ailleurs se traduire par l’incapacité à trouver un accord, dans la loi de finances pour 2014, sur la fiscalité des entreprises. La méfiance, de part et d’autre, l’emportait dès lors sur la confiance.

Une nouvelle lune de miel semble s’esquisser en 2014 après la nomination de Manuel Valls à Matignon et la mise en place du pacte de responsabilité : un effort exceptionnel en faveur des entreprises – 41 milliards d’euros –, tel que la droite elle-même, lors de ses précédents mandats, n’en a jamais consenti. Le nouveau chef du gouvernement proclame sa flamme aux entrepreneurs. « Moi, j’aime l’entreprise », martèle-t-il devant un parterre de patrons qui l’ovationnent.

Oui mais, en amour, il faut être deux et, malgré les engagements – sonnants et trébuchants – du gouvernement, le patronat persiste à estimer que le compte n’y est pas et s’inquiète des « signaux contradictoires » adressés par la gauche, de plus en plus tiraillée entre les « réformateurs » et son aile « contestataire ». Les relations entre le gouvernement et le Medef se tendent. L’organisation patronale décide de se lancer dans une stratégie de surenchère tandis que, du côté du gouvernement, certains, jusqu’au nouveau ministre de l’économie, Emmanuel Macron, n’hésitent pas à qualifier le pacte de responsabilité d’« échec », compte tenu du peu d’empressement du patronat à tenir sa part d’engagements.

Pourtant, c’est ce même Emmanuel Macron qui sera accueilli comme une star lors de l’édition 2015 de l’université patronale et transportera ses auditeurs en déclarant que « la gauche a pu croire, il y a longtemps, que la France pourrait aller mieux en travaillant moins, tout cela est désormais derrière nous ».

« Politique de la terre brûlée »

Depuis, le ministre de l’économie est un des rares membres du gouvernement à trouver encore grâce aux yeux des patrons, même si ceux-ci continuent de déplorer qu’il ne soit pas allé au bout de ses intentions ou qu’il ait été empêché de le faire. Cette année encore, M. Macron sera l’invité d’honneur du rendez-vous patronal. Il interviendra mercredi en fin d’après-midi, toujours pour donner aux chefs d’entreprise « des raisons d’y croire ».

Mais sans illusions. Le Medef n’accorde plus aucune confiance à l’exécutif. Lorsque, à l’automne 2015, le gouvernement décide de reporter d’un trimestre les allégements de cotisations sociales prévus en 2016, l’organisation patronale s’insurge contre le « non-respect de la parole donnée ». Oubliant allègrement que, auparavant, ce gouvernement a consenti une mesure significative de suramortissement en faveur de l’investissement. Qu’importe, pour le patronat, le message est « désastreux ».

Dès lors, le Medef semble avoir fait le choix de la « politique de la terre brûlée », comme le déplore un ministre. La loi travail examinée au printemps ? « Un texte décevant, qui privilégie l’immobilisme. » Dans la foulée, il choisit de faire capoter l’accord sur le renouvellement de la convention Unedic. Il fustige ensuite les « reniements » du gouvernement quand celui-ci renonce, contrairement à ce qui était prévu dans le pacte de responsabilité, à supprimer définitivement la cotisation sociale de solidarité des sociétés (C3S) acquittée par les grandes entreprises au profit d’un relèvement du CICE et d’une baisse ciblée de l’impôt sur les sociétés pour les PME.

Le Medef monte également au créneau contre la perspective d’une taxe spéciale, acquittée par les ménages et les entreprises, destinée à financer les équipements régionaux, pourtant approuvée initialement par le président de l’Association des régions de France, Philippe Richert (LR), contraignant ce dernier à tourner casaque. Il juge « déraisonnable » le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu que Bercy prévoit de mettre en œuvre à partir du 1er janvier 2018. Plus rien ou presque de ce que fait l’actuel gouvernement n’échappe à la vindicte patronale. En espérant que le prochain lui donnera « des raisons d’y croire ».