Emmanuel Macron, sur TF1, mardi soir 30 août. | BRUNO LEVY / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Décidément, il n’est pas des leurs, il n’est pas comme eux. Dans le crépuscule du quinquennat de François Hollande, Emmanuel Macron défie les lois du combat politique. Au moment de se lancer, l’ancien banquier d’affaires minimise sa prise de risque. Il avance un pied mais pas l’autre.

Pour faire fructifier En Marche, le mouvement qu’il a lancé en avril, il démissionne de son poste de ministre de l’économie mais à froid, donc sans éclat, presque sans drame. Il n’est pas Arnaud Montebourg, ni Benoît Hamon, ni Cécile Duflot qui tous veulent se venger du quinquennat finissant. Il est l’ancien conseiller du président de la République qui, à 38 ans, prétend accoucher sereinement d’une « nouvelle offre politique » mais sans se déclarer encore candidat.

Son émancipation de l’homme qui lui a permis d’entrer en politique est pourtant aussi cruelle que les autres. « Je ne le trahirai jamais », disait-il naguère à propos de François Hollande. Elle constitue même le summum de la transgression car si ses propositions font mouche, le président de la République sortant aura toutes les peines du monde à se représenter.

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Il ne veut pas porter le poignard

Mais Emmanuel Macron esquive la violence du combat politique. Il ne veut pas porter le poignard, évite donc l’attaque ad hominem, met en cause « le système politique bloqué », plaide « la refondation », promet un diagnostic de la situation du pays en septembre suivi de propositions en octobre. Son projet est prêt mais lui n’est pas prêt à essuyer tous les coups.

Le semi-affranchi se préserve et ce faisant préserve François Hollande qui, touché, n’est pas encore coulé. Le chef de l’Etat qui a prévu de dire en décembre s’il se représente ou non, a encore l’illusion du dernier mot. C’est un jeu de dupes peu conforme aux canons du combat présidentiel. Et pourtant personne ne prend à la légère la démarche de ce « même pas élu » qui, inconnu il y a cinq ans, s’est hissé au rang des personnalités politiques les plus populaires du pays précisément parce qu’il n’était pas du sérail et a su se jouer de ses règles.

Ecoutons-le : au terme de deux quinquennats qu’il juge ratés, Emmanuel Macron prend acte du rejet du système et de l’accélération de la décomposition politique. ll ne veut pas du duel Hollande/Sarkozy que les partisans du président tentent de ressusciter. Il refuse qu’une partie de la gauche continue de torpiller les réformes que l’autre juge nécessaires. Il juge le clivage gauche/droite obsolète et considère que la vraie confrontation est entre « les progressistes et les conservateurs ».

Expérimental

Son âge constitue une promesse de renouveau. Il tente de le coupler à des propositions de nature libérale qu’il présente comme une alternative positive au lepénisme. C’est audacieux mais finalement pas unique : sur le créneau du rassemblement des progressistes, Alain Juppé campe en majesté. Sur le centre, François Bayrou veille jalousement. Sur la niche du renouvellement, Bruno Le Maire a pris une longueur d’avance en affrontant Nicolas Sarkozy à la présidence de l’UMP il y a deux ans. A gauche, le social-libéralisme existe mais a toujours été ultra-minoritaire.

Macron part tard, les appareils sont contre lui. Le combat s’annonce rude. C’est ce qui le rend prudent, presque expérimental, une étape après l’autre. Il ne se déclarera candidat que si un puissant mouvement le porte, venu des tréfonds de la société. Dans le cas contraire, il peut faire autre chose, il se sent « libre ». C’est toute la limite de sa rupture.

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