Donald Trump, lors d’un meeting de campagne, à Everett (Washington), le 30 août. | MATT MILLS MCKNIGHT/AFP

Donald Trump est attendu, mercredi 31 août, à Mexico, où il rencontrera le président Enrique Peña Nieto, à l’invitation de celui-ci. Alors que le candidat à l’élection présidentielle américaine a multiplié les propos véhéments contre ses voisins mexicains et les immigrés originaires du pays qu’il a suggéré de bloquer par un mur, cette visite surprise provoque des réactions d’hostilité et d’incompréhension qui traversent les clivages politiques du pays.

Mardi en fin de soirée, le prétendant républicain à la Maison Blanche a été le premier à annoncer la nouvelle sur son compte Twitter : « J’ai accepté l’invitation du président mexicain Enrique Peña Nieto et je suis impatient de le rencontrer. »

Un coup de théâtre confirmé quelques minutes plus tard par le compte officiel de la présidence mexicaine qui précise que la visite sera privée. M. Trump devrait rencontrer M. Peña Nieto à la résidence présidentielle mexicaine vers 16 heures (23 heures à Paris), avant de rentrer aux Etats-Unis pour prononcer dans la soirée un discours très attendu, à Phoenix dans l’Arizona, sur l’immigration clandestine.

Le thème reste le cheval de bataille de Donald Trump, depuis son entrée en campagne en juin 2015. Jusqu’ici, le candidat républicain n’a pas hésité à assimiler les immigrants mexicains à des « trafiquants de drogue », des « criminels », voire même des « violeurs ». Pour empêcher leur entrée sur le sol américain, M. Trump promet de construire un mur à la frontière entre les deux pays. Une construction titanesque qui serait, selon lui, financée par le Mexique. Le candidat menace aussi de mettre fin à l’Accord de libre-échange nord-américain entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, accusé de porter préjudice aux travailleurs américains.

« Attitude positive et de bonne foi »

Ces diatribes répétées ont provoqué un tollé au Mexique. Même M. Peña Nieto avait comparé, en mars, le discours virulent et xénophobe de M. Trump à ceux d’Hitler ou Mussolini, rejetant le financement d’un mur à sa frontière nord. Mais le président mexicain semble avoir changé son fusil d’épaule, depuis quelques mois, martelant à plusieurs occasions sa décision de « ne pas prendre position » dans la campagne électorale américaine. Lors de sa dernière visite à Washington, en juillet, M. Peña Nieto avait même prôné « une attitude positive et de bonne foi envers le prochain président [américain] de la part de son gouvernement ».

Mardi soir, la diplomatie mexicaine s’est d’abord montrée perplexe face la visite imminente de M. Trump, annoncée par le Washington Post à partir de sources anonymes. Le gouvernement mexicain a attendu plusieurs heures avant de confirmer l’information, tout en reconnaissant que le président mexicain avait envoyé, vendredi, une invitation aux deux candidats à l’élection américaine.

« Je crois au dialogue pour promouvoir les intérêts du Mexique dans le monde et, surtout, pour protéger les Mexicains, où ils se trouvent », a expliqué, mardi soir, M. Peña Nieto, sur son compte Twitter. L’objectif affiché du gouvernement mexicain étant d’éviter un clash qui pourrait bénéficier à M. Trump et porter préjudice à la candidate démocrate, Hillary Clinton, dont le programme est davantage favorable au Mexique.

Ce rameau d’olivier tendu à Trump provoque néanmoins une vague d’indignations chez les Mexicains. Dans la nuit de mardi à mercredi, des millions d’entre eux ont exprimé leur « incompréhension », certains dénonçant une « offense » et une « humiliation », sur les réseaux sociaux. Depuis des mois, les piñatas, poupées en papier mâché, à l’effigie de M. Trump, trônent sur les étals des marchés de Mexico. Lors des fêtes, les Mexicains les frappent à plusieurs reprises pour faire tomber un déluge de sucreries et ainsi chasser le mal. Lors des festivités de la Semaine Sainte, un Donald Trump géant a même été immolé à Mexico, au milieu d’une foule en liesse.

« Il n’est pas le bienvenu », a réagi mardi soir sur Twitter Margarita Zavala, épouse de l’ancien président Felipe Calderon (2000-2006). Candidate pressentie du Parti d’action nationale (PAN, droite, opposition) à la présidentielle de 2018, elle a ajouté : « Nous, les Mexicains avons une dignité et nous rejetons son discours de haine. » Et Miguel Barbosa, chef de file au Sénat du Parti de la révolution démocratique (PRD, gauche, opposition) de lui emboîter le pas sur le même réseau social : « La présence de Donald Trump, invité, est un comportement indigne du gouvernement mexicain. »

L’attitude de M. Peña Nieto est aussi dénoncée par de nombreux analystes dans les médias mexicains, soulignant que cette visite a tendance à légitimer M. Trump, qui cherche, depuis quelques semaines, à se rapprocher des minorités latino-américaines et afro-américaines, les plus critiques à son égard.

En face, le président mexicain pourrait se voir fragilisé par ce voyage éclair. L’image de M. Peña Nieto serrant la main de l’homme qui fait du Mexique un bouc émissaire risque d’affecter encore davantage sa popularité en berne. Un récent sondage du quotidien Reforma révélait que seuls 23 % des Mexicains soutiennent son action gouvernementale. Un record d’impopularité pour un président mexicain.