« Internet a gagné. » Ainsi se réjouit, sur sa page d’accueil, le mouvement Savetheinternet.eu, qui réunit une vingtaine d’organisations militant pour la neutralité du Net. Mardi 30 septembre, l’organe européen des régulateurs des télécoms (BEREC) a publié ses lignes directrices concernant ce principe de non-discrimination qui garantit un accès à Internet identique pour tout un chacun, qu’il s’agisse d’un simple citoyen, d’une entreprise ou d’un gouvernement.

La neutralité du Net a été officiellement adoptée fin 2015 par les institutions européennes, mais ses règles de mise en application devaient encore être précisées. C’est désormais chose faite, et les associations de défense de la neutralité du Net se sont réjouies des dispositions prises par ce texte. « Il nous offre une des protections de la neutralité du Net les plus fortes que nous puissions espérer », souligne Savetheinternet.eu. « Si elles sont correctement appliquées par les régulateurs des télécoms nationaux, elles représentent une victoire retentissante pour la neutralité du net. »

Si la joie et le soulagement sont aussi forts, c’est que malgré l’adoption du principe de neutralité du Net l’an dernier, quelques zones d’ombre demeuraient et pouvaient potentiellement amoindrir la portée de ce règlement. Dans son texte, l’organisme réaffirme bien le principe de neutralité du Net, garantissant que « les fournisseurs d’accès à Internet doivent traiter tous les trafics de façon égale, sans discrimination, restriction ou ingérence, et quel que soit l’expéditeur ou le receveur des données, le contenu reçu ou distribué, les applications et les services utilisés ou fournis, ou les terminaux utilisés. »

Exceptions

Quelques exceptions s’appliqueront toutefois. Certains « services spécialisés » gourmands proposés par des opérateurs, comme la VoIP, la télévision sur Internet ou les flux permettant par exemple de mener des opérations chirurgicales à distance pourront dans certaines conditions bénéficier d’un trafic de meilleure qualité, sous réserve que cela ne dégrade pas la qualité du flux principal. L’organe européen s’est aussi prononcé sur le « zero rating », une pratique controversée qui consiste, de la part des opérateurs, à proposer à leurs clients un accès illimité à un service particulier, sans décompter les données consommées de leur forfait. Un dispositif critiqué car il favorise certains services au détriment d’autres. Le BEREC n’a pas été jusqu’à l’interdire, mais a établi des règles très contraignantes pour le mettre en place, et incite les autorités de régulation de chaque Etat à les examiner au cas par cas.

Avant de publier ce document, le BEREC avait lancé une consultation publique et avait recueilli environ un demi-million de contributions, notamment issues des défenseurs de la neutralité du Net et des opérateurs télécoms. Si les premiers sont ravis, les seconds ont fait part de leur déception. L’association des opérateurs de réseaux télécoms européens (ETNO) a par exemple, dans un communiqué, « pris note que la plupart des inquiétudes soulevées par des experts de l’industrie n’ont pas été prises en compte dans les lignes directrices finales ».

Les opérateurs avaient mis en garde les institutions européennes contre une définition trop stricte de la neutralité du Net qui nuirait, selon eux, à l’innovation, et empêcherait le déploiement du réseau 5G dans de bonnes conditions. « L’innovation numérique et la transformation industrielle vont de plus en plus dépendre de réseaux flexibles (...). Les voitures connectées, l’e-santé, les capteurs industriels et bien d’autres applications vont avoir besoin d’une connectivité basée sur des exigences spécifiques. »