Premier meeting d’Emmanuel Macron et son mouvement En marche!, à La Mutalité, à Paris, le 12 juillet. | PATRICK KOVARIK / AFP

Macron, combien de divisions ? Maintenant que le ministre de l’économie a repris sa liberté d’action, les vrais ennuis commencent pour lui. Si Emmanuel Macron veut mener à bien son entreprise présidentielle d’ici à avril 2017, il va devoir rapidement engranger les ralliements
politiques et citoyens. Le 12 juillet, lors de son meeting à la Maison de la Mutualité, à Paris, une quarantaine de parlementaires socialistes avaient fait le déplacement, mais tout autant pour voir que pour le soutenir réellement. Combien vont désormais sauter le pas, au risque de s’exclure d’eux-mêmes du PS et de contrecarrer leur avenir ?

Jusqu’à présent, M. Macron a pris soin de soigner ses rapports avec de nombreux députés ou sénateurs socialistes durant son passage à Bercy, mais ses relais politiques au Parlement restent maigres. Hormis les députés Arnaud Leroy (Français de l’étranger), Richard Ferrand (Finistère) et Pascal Terrasse (Ardèche), ou le maire de Lyon, Gérard Collomb, peu de socialistes ont pris position en sa faveur. « Macron dispose au grand maximum de moins de dix députés PS, qui pensent tous que François Hollande est carbonisé pour 2017 et qui parient sur lui pour la suite », affirme un dirigeant socialiste.

Mardi 30 août, l’ancien ministre de l’économie a envoyé à plusieurs élus le même message avant de démissionner. « Je souhaite t’annoncer personnellement mon départ du gouvernement. Le moment est venu pour moi de poursuivre et d’amplifier en toute cohérence et de manière apaisée la dynamique lancée ces derniers mois. (…) Je serais particulièrement heureux de travailler avec toi à la réussite de ce projet. Dans ce moment important de rénovation politique, je reste à ton écoute », leur a-t-il écrit.

Macron s’est « laissé griser par la bulle médiatique »

Au sein du gouvernement, ses méthodes, souvent décrites comme individualistes et exclusivement tournées vers sa propre communication, lui ont valu au fil des mois de nombreuses inimitiés. Il y a un an, le secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement,
Jean-Marie Le Guen, l’avait convié comme invité vedette de la réunion de son courant des « réformateurs ». En cette rentrée 2016, l’opération n’a pas été rééditée. Même si M. Le Guen partage avec M. Macron la volonté de rassembler l’ensemble des « progressistes » au-delà du clivage gauche-droite, il a pris ses distances, préférant revenir dans le giron politique de Manuel Valls. « Emmanuel est un phénomène politique. Il est brillant et singulier, mais il a aussi un côté enfantin et arrogant qui peut le rendre imprudent », estimait avant l’été M. Le Guen, reprochant à M. Macron de s’être « laissé griser par la bulle médiatique autour de lui ».

S’il veut se présenter à l’élection présidentielle, le trentenaire va devoir réussir à récolter les 500 parrainages d’élus nécessaires et monter une machine électorale solide pour faire campagne. « Macron va apprendre que, dans ce vieux pays qui s’appelle la France, on ne peut pas être élu président de la République sans appareil politique fort, ni ressorts importants dans les territoires », sourit un dirigeant socialiste. Si son passé de banquier d’affaires lui a apporté une fortune personnelle, son mouvement En marche ! ne lui a toujours assuré ni moyens financiers ni troupes militantes suffisants. Son entourage feint de ne pas s’en inquiéter et affiche son optimisme. « Avec l’annonce de la démission, on a gagné 2 000 adhérents en deux heures. La démission va créer une nouvelle vague. Mais on n’a pas d’objectifs sur le nombre d’adhérents ou de parlementaires. Ce n’est pas parce que tu affiches 200 parlementaires que le pays s’enflamme pour toi. Nous, on s’adresse à la société civile », explique son conseiller Benjamin Griveaux.

« Un pari courageux, mais dangereux »

L’ancien patron de Bercy table avant tout sur un effet écrasant dans les sondages pour s’imposer. En ce sens, il fait le même calcul politique qu’Arnaud Montebourg. Un calcul risqué, car indépendant de sa volonté propre. « Il fait un pari courageux, mais dangereux. Il part pour éviter le risque de la banalisation ou de l’étouffement, mais il prend un autre risque, celui du vide. Maintenant, on va bien voir ce qu’il a dans le ventre », confie un conseiller ministériel. « Pour faire de la politique, il faut représenter une catégorie sociale. Mais quand on représente les banquiers d’affaires et la French Tech, on ne fait pas carrière », tacle un membre du gouvernement.

M. Macron a comme exemple le phénomène Ségolène Royal, qui avait réussi grâce à une popularité soudaine et massive dans l’opinion à s’imposer en 2006 comme la candidate du PS malgré l’opposition de l’appareil du parti. « Les adhérents d’En marche ! me font penser à ceux qu’on appelait en 2006 les “ségogols”, ces fans sans aucune culture politique, uniquement éblouis par leur amour pour Royal », raille un proche de Manuel Valls. Sauf qu’à l’époque, et malgré le ralliement tardif des caciques du PS, la candidate socialiste n’avait pas réussi à porter le miracle politique jusqu’au bout et avait dû s’incliner face à Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007.