• Que se passe-t-il à Libreville ?

Depuis mercredi 31 août, la capitale gabonaise est le centre de violents heurts entre les forces de l’ordre et des manifestants opposés à la réélection d’Ali Bongo Ondimba, annoncée le même jour. L’Assemblée nationale a été partiellement incendiée, au moins 200 pillages ont été recensés par la police. Selon le dernier bilan, cinq personnes ont été tuées à la suite des affrontements à Libreville. La police, la gendarmerie et les militaires quadrillent le centre-ville.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, le quartier général de l’opposant Jean Ping, candidat à la présidentielle contre le président sortant, a été pris d’assaut par les forces de sécurité. Au moins vingt-six personnalités de l’opposition et de la société civile gabonaise sont toujours retenues au quartier général de Jean Ping. « Nous sommes toujours séquestrés », a affirmé Zacharie Myboto, ancien ministre d’Omar Bongo, le père et prédécesseur de l’actuel chef de l’Etat. Il a déclaré à l’AFP être « en totale insécurité ».

D’autres villes gabonaises ont été le théâtre d’émeutes et de pillages. Entre 600 et 800 personnes ont été arrêtées à Libreville et 200 à 300 dans le reste du pays. Dans la foulée des violences post-électorales, le Gabon se retrouve privé d’accès à Internet et aux réseaux sociaux.

Des partisans de l’opposant Jean Ping manifestent dans la capitale gabonaise Libreville le 31 août. | MARCO LONGARI / AFP

  • Pourquoi les violences ont-elles suivi la proclamation des résultats ?

Mercredi, après quatre jours d’une longue attente, le ministre de l’intérieur gabonais a annoncé que le président sortant, Ali Bongo Ondimba, avait remporté l’élection présidentielle. Selon des résultats officiels provisoires, M. Bongo a obtenu 49,80 % des voix contre 48,23 % à son adversaire, Jean Ping, lors de l’unique tour du scrutin, samedi 27 août.

Mais l’opposition a aussitôt rejeté les résultats et réclamé un nouveau décompte, en particulier dans la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo, où a été signalé un taux de participation de 99,98 %, dont 95 % des voix au président sortant, faisant basculer l’élection en sa faveur. Ce résultat signifie aussi que seulement 50 personnes ne seraient pas allées voter sur les 71 714 électeurs inscrits dans cette province. « Les Gabonais n’accepteront pas ces chiffres », a affirmé un porte-parole du candidat. Grâce au Haut-Ogooué, Ali Bongo a rattrapé les 60 000 voix de retard accumulées dans les huit autres provinces, jusqu’à dépasser Jean Ping de quelque 5 594 voix sur les 650 000 électeurs inscrits.

Dénonçant une grossière manipulation, les partisans du candidat Jean Ping sont descendus par milliers dans la rue à l’annonce des résultats.

  • Que dit le pouvoir ?

Le président gabonais affichait jeudi sa fermeté, rejetant la responsabilité des violences sur l’opposition. « Les élections ont rendu leur verdict (…) Qui a perdu ? Un groupuscule dont le seul projet était de prendre le pouvoir pour se servir du Gabon et non servir le Gabon », a déclaré Ali Bongo Ondimba lors d’une brève allocution au palais présidentiel.

Ali Bongo Ondimba, 57 ans, élu pour un second septennat, est le fils du précédent chef de l’Etat, Omar Bongo, qui avait dirigé le pays pendant quarante et un ans. En 2009, son accession au pouvoir après le décès de son père avait déjà été contestée par l’opposition, provoquant des violences dans le pays.

Le leader de l’opposition gabonaise Jean Ping dans son quartier général le 28 août. | MARCO LONGARI / AFP

  • Que dit l’opposition ?

L’opposant Jean Ping conteste les résultats et réclame la publication détaillée des scrutins par bureaux de vote du Gabon (environ 2 500). Le candidat de l’opposition accuse le président élu d’être responsable des violences post-électorales. « Qu’Ali Bongo cesse de tuer le peuple gabonais ! », s’est exclamé Jean Ping dans un entretien au Monde.

Ex-baron du régime du président Omar Bongo, dont il fut le gendre, opposant tardif après l’élection de son fils Ali en 2009, Jean Ping, 73 ans, bénéficie du soutien d’anciens caciques du pouvoir.

  • Comment a réagi la communauté internationale ?

Comme l’opposition gabonaise, l’Union européenne, la France et les Etats-Unis ont demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote. Le Conseil de sécurité de l’ONU a fait part, jeudi soir, de sa « profonde préoccupation » face aux violences qui ont embrasé le Gabon. Les quinze pays membres ont appelé « tous les candidats, leurs partisans, les partis politiques et les autres acteurs à rester calmes ».

Sur le continent africain, seuls les dirigeants de l’Union africaine (UA) ont réagi. La présidente de la Commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, a exprimé sa tristesse de voir « surgir la violence dans le pays, entraînant des morts, des blessés et des dégâts matériels ».

Ancienne puissance coloniale qui compte au moins 10 000 ressortissants sur place, la France a quant à elle fait part de « sa profonde inquiétude ». La réaction rapide et le ton du pouvoir français tranchent avec les silences constatés lors des récentes élections au Congo-Brazzaville et au Tchad, deux autres vieux alliés en Afrique centrale, où les présidents sortants avaient pourtant été réélus dans la plus grande opacité.