Barack Obama, le 31 août. | SAUL LOEB / AFP

Une fois de plus, l’économie américaine a déçu. Le marché de l’emploi continue de progresser, certes, mais à un rythme plus faible qu’attendu. En août, 151 000 postes ont été créés, selon les statistiques du Département du travail publiées vendredi 2 septembre, alors que les experts s’attendaient à 30 000 de plus. Il s’agit d’une nette décélération par rapport aux deux mois précédents au cours desquels les 270 000 créations d’emploi avaient été dépassées.

Cette nouvelle déception s’ajoute à d’autres, qui montrent qu’après sept ans de reprise la croissance américaine continue à patiner obligeant les experts à réviser à la baisse leurs estimations et la Réserve fédérale (Fed) à repousser mois après mois la hausse de ses taux directeurs. Les chiffres publiés vendredi montrent en effet une fois de plus que le marché du travail ne s’est pas totalement remis de la crise financière.

Derrière un taux de chômage flatteur de 4,9 %, inchangé par rapport à juillet, des fissures restent visibles. C’est le cas du nombre de postes à temps partiel subis. Plus de 6,05 millions d’Américains travaillent à temps partiel, faute de trouver un poste à temps plein. Le mois précédent, ils n’étaient que 5,94 millions. Une fois pris en compte ce phénomène, le taux de chômage grimpe à 9,7 % de la population.

Incertitude

Autre phénomène inquiétant : la hausse des salaires reste timide avec une progression de 2,4 % sur un an, soit une nette décélération par rapport à juillet où la hausse était de 2,7 %. « Cela indique qu’à la fois les revenus et les dépenses des ménages ont été faibles en août, souligne Christophe Barraud, économiste en chef chez Market Securities. Ce rapport sur l’emploi ajoute de l’incertitude concernant la solidité du rebond du PIB au troisième trimestre », ajoute-t-il.

Après avoir progressé en rythme annuel de 1,1 % au premier et au deuxième trimestre (soit 0,2 % en rythme réel), l’économie américaine aurait dû nettement accélérer durant l’été. Or une nouvelle déception n’est pas exclue. En effet, l’activité industrielle s’est contractée en août. Conséquence : le secteur a détruit 24 000 postes au cours des trente derniers jours. Dans le même temps, la productivité recule depuis trois trimestres consécutifs, du jamais vu depuis 1979.

La faiblesse des salaires constitue l’un des facteurs explicatifs du phénomène. L’un des moyens de doper la productivité consiste à acheter de meilleurs équipements pour rendre les salariés plus efficaces. Mais comme les salaires sont bas et que la main-d’œuvre disponible reste importante, les employeurs sont incités à recruter, plutôt qu’à investir. Une bonne nouvelle à court terme pour les créations d’emploi, mais une mauvaise à long terme concernant la capacité de l’économie américaine à accélérer.

Facteurs inflationnistes timides

Statistique après statistique, c’est la qualité de la croissance qui est interrogée. Les chiffres du département du travail sont venus confirmer les faiblesses qui peinent à se dissiper. C’est le cas du taux de participation au marché du travail, qui reste à un niveau historiquement bas. Ainsi, en août, il n’y avait que 62,8 % des Américains qui occupaient un travail ou qui en cherchaient un. Cet indicateur montre que beaucoup de personnes en âge de travailler n’apparaissent plus dans les statistiques officielles du chômage.

La qualité des emplois créés est aussi symptomatique du manque de solidité de la croissance américaine. La plupart des créations se situent dans des secteurs mal payés, nécessitant de faibles qualifications comme la restauration (34 000 postes créés). Par ailleurs, ce sont ces emplois, qui captent l’essentiel des hausses salariales. « Les données confirment une pression à la hausse des salaires dans les secteurs les moins bien payés, tandis que la pression est limitée ailleurs », remarque Emanuella Enenajor, économiste chez Bank of America.

Même si l’économie américaine se rapproche du plein-emploi, les facteurs inflationnistes restent donc toujours timides et l’activité présente des signes de faiblesse. Dans ce contexte, la Fed devrait une nouvelle fois passer son tour pour resserrer sa politique monétaire lors de sa réunion des 20 et 21 septembre. « Une hausse des taux aurait pour conséquence une augmentation du dollar et pèserait négativement sur les exportations dès le quatrième trimestre, note M. Barraud. Cela semble particulièrement risqué dans un contexte où les investissements souffrent des incertitudes liées à l’élection américaine, la croissance mondiale ralentit et les profits des entreprises baissent. »