La présidente du Front national Marine Le Pen, le 3 septembre à Brachay. | Cyril Bitton / french-Politics pour "Le Monde"

Pour Marine Le Pen, l’élection présidentielle de 2017 représente la bataille de la crédibilité. Crédibilité des propositions du Front national (FN) et de sa capacité à diriger le pays. Crédibilité à représenter une alternance face à un « système UMPS » que le parti d’extrême droite conspue depuis des années. Crédibilité, surtout, de sa candidate, qui revendique une stature présidentielle et clame son envie d’exercer le pouvoir.

Pour son discours de rentrée politique, à Brachay (Haute-Marne), samedi 3 septembre, la présidente du FN a tenté de dessiner ce que serait l’Elysée sous sa gouvernance, en utilisant une figure de style très « présidentielle » : l’anaphore.

« Présider, c’est prévoir pour anticiper. C’est refuser le prisme réducteur de la bien-pensance. (…) Présider, c’est se comporter en chef de l’Etat, c’est-à-dire œuvrer pour que l’Etat ne fonctionne pas pour une faction. Présider, c’est se sentir le gardien d’un pays, d’une nation, des valeurs de la civilisation française, de la constitution, une longue construction juridique », a-t-elle développé, au cours d’un propos long de quarante-cinq minutes.

Seul Nicolas Sarkozy a été cité dans son discours

Plusieurs centaines de personnes étaient réunies sur la place de ce village, qui vote à une forte majorité pour le FN, et où la députée européenne effectue sa rentrée chaque année depuis 2014.

Alors que la campagne pour la primaire des Républicains (LR) bat son plein, avant celle qui doit désigner le candidat du Parti socialiste, en janvier, Mme Le Pen entend se placer au-dessus des « chicaneries » de la classe politique et du « choc d’ambitions personnelles alimenté à coups de petites solutions ». Elle ne s’est pas privée de railler ces « primaires qui portent bien leur nom ».

Des militants du Front national, le 3 septembre, à Brachay. | Cyril Bitton / french-Politics pour "Le Monde"

En conséquence, la fille de Jean-Marie Le Pen a déroulé un discours qu’elle voulait, en apparence, sans polémique politicienne. Aucun responsable politique n’a été cité au cours de son propos, sauf un : Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat est entré en campagne en arpentant le terrain du FN, notamment sur la question de l’identité. En réponse, la présidente de la formation lepéniste l’a attaqué sans ménagement, notamment sur ses liens supposés avec l’Arabie saoudite et le Qatar.

« Nicolas Sarkozy, qui se voudrait le champion médiatique de la lutte contre l’islamisme radical, est allé rencontrer le chantre du wahhabisme », a-t-elle dénoncé, en référence à un rendez-vous que l’ancien président de LR aurait eu pendant l’été avec le roi d’Arabie saoudite. Et Mme Le Pen de s’en prendre à un « personnel politique soumis aux Qatariens ou aux Saoudiens ».

« Notre modèle est celui de l’assimilation »

Cette allégeance supposée a été l’occasion pour elle d’égrener une autre anaphore, au cours duquel elle s’est érigée en femme « libre ». « Présider réellement nécessite d’être libre, ce qui n’est le cas d’aucun de mes adversaires présumés, ce qui fait de moi une exception dans cette élection présidentielle », a-t-elle revendiqué.

« Je suis libre par rapport par rapport à l’argent du Qatar et des banques. Libre par rapport à l’Union européenne et à l’Allemagne qui la domine. Libre par rapport aux médias : je ne suis pas dans la compromission, je ne me sens redevable de personne, même pas de l’obligation de me faire aimer par eux. »

Au-delà de sa conception du rôle présidentiel, la présidente du Front national a aussi rappelé sa vision de la société, qui postule une permanence de la France et de son essence. « Notre conception de la nation n’est pas fermée, mais elle est exigeante. Notre modèle est celui de l’assimilation », a-t-elle souligné, rappelant « l’obligation » qui devrait, selon elle, s’imposer aux nouveaux entrants « de se plier aux règles de vie » du pays d’accueil.

Pour Mme Le Pen, le « vivre-ensemble » n’est qu’une « formule magique », un « programme minimum », une « imprécation vaine ». « Le chemin que je propose est celui de l’apaisement par l’autorité », a-t-elle résumé. Un mot d’ordre qu’elle espère suffisamment rassembleur dans la perspective du second tour de la présidentielle.