Samedi, sept des treize candidats à la primaire de la droite se sont exprimés lors de la première journée du campus régional du parti Les Républicains. | Michael Zumstein/Agence VU

La Baule a toujours été un théâtre à ciel ouvert pour la droite française. Un théâtre où les jeux de mimes valent parfois autant que les longs discours. Dans cette cité balnéaire de Loire-Atlantique, Dominique de Villepin avait en 2005 mis en scène son jogging et sa baignade devant un Nicolas Sarkozy réfugié derrière ses lunettes de soleil. En 2015, François Fillon et Alain Juppé avaient fendu la foule pour offrir aux photographes le cliché d’un front uni face à Nicolas Sarkozy. La brève image des deux anciens premiers ministres et de l’ancien président de la République ensemble à la tribune avait à peine duré cinq minutes, avant que MM. Fillon et Juppé ne se lèvent pour filer prendre le train.

Samedi 3 septembre, premier jour du campus régional du parti Les Républicains (LR), sept des treize candidats à la primaire ont fait le déplacement pour prendre la parole devant les militants. Mais les acteurs n’ont cette fois-ci même pas pris la peine de se montrer ensemble à la tribune. Chacun des favoris est arrivé séparément entouré de ses propres supporteurs qui affichaient des tee-shirts bien identifiés (« La primaire, c’est Le Maire », « NouS les jeunes », « AJ ! 2017 »). Chacun a filé sans écouter l’autre. Et, contrairement à l’année dernière, Alain Juppé et François Fillon n’ont pas partagé la même table au déjeuner. La campagne de la primaire a débuté et chacun la vivra en solitaire. Au moins jusqu’à l’entre-deux tours.

François Fillon assume mais modère ses attaques

Arrivée sur le campus de François Fillon. | Michael Zumstein / Agence VU pour "Le Monde"

L’ancien premier ministre a été le premier à ouvrir le bal des grands oraux. Quatrième dans les sondages, le député de Paris avait marqué la rentrée le week-end dernier en s’en prenant à plusieurs reprises à Nicolas Sarkozy, d’abord dans une interview au Monde puis devant ses partisans à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe) avec une formule-choc : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? ». A la Baule, M. Fillon a assumé tout en nuançant ses propos. « Une nouvelle éthique républicaine est nécessaire pour rendre aux détenteurs de l’autorité l’exemplarité sans laquelle le pouvoir n’est pas légitime », a lancé le candidat à la primaire avant d’évoquer l’importance de « l’honnêteté des comportements politiques car comment imposer le respect de l’Etat et de la loi si les dirigeants s’écartent eux-mêmes de leurs devoirs ? (…) La droiture doit être une des vertus de la droite ».

Encore une fois, il n’a jamais cité l’ancien président de la République qui est mis en examen dans deux affaires, celle des écoutes et Bygmalion. « François Hollande a été le président des faits divers, réagissant sur tout et n’importe quoi, jusqu’à traiter le cas Léonarda et se faire ridiculiser par une adolescente », a-t-il poursuivi alors que l’expression « président des faits divers » était encore récemment destinée à M. Sarkozy. Son propos plus modéré a donné le ton de ce début de week-end plus apaisé. « Ce n’est pas le même public que la semaine dernière, c’est normal. Mais il n’atténue pas ses propos et il va continuer. En tant que pilote, il aime la compétition. Les essais, c’est sympa, la course c’est bien mais le mieux c’est le dernier tour quand ça frotte », analyse un de ses proches.

Comme il l’a fait devant le Medef mardi dernier, M. Fillon a continué à dérouler un programme pensé pour libérer les Français « accablés » par les impôts ou le RSI, « lassés de travailler pour ceux qui ne travaillent pas » et a appelé à lutter contre « les conservatismes et les corporatismes qui verrouillent la société ». « La primaire n’est pas un casting de téléréalité. Demandez les programmes. Je ne propose pas des lendemains qui chantent, je propose de réformer en profondeur la société », a conclu M. Fillon avant de demander aux électeurs de ne pas se laisser « abuser par des boniments ».

Juppé, le rassemblement et un code de bonne conduite

Arrivée d'Alain Juppé sur le campus. | Michael Zumstein / Agence VU pour "Le Monde"

Toute la semaine, l’entourage d’Alain Juppé a affiché une mine ravie. Non seulement, le rassemblement de Chatou (Yvelines) du 27 août a été un succès puisque l’ancien premier ministre a réussi à parler de la France et à se dévoiler tout en assumant ses différences avec Nicolas Sarkozy. Mais ils se sont aussi frotté les mains de voir François Fillon faire le « sale job » en s’attaquant à l’ancien chef de l’Etat pendant qu’eux espèrent bénéficier dans les urnes de cette ambiance antisarkozyste. Samedi, Alain Juppé s’est encore une fois posé en rassembleur. « Nous devons tout faire pour que la primaire soit un vrai débat et pas un mauvais pugilat », a expliqué le candidat à la primaire. Le maire de Bordeaux a proposé un « code de bonne conduite » à ses rivaux. Avec ce « gentleman agreement », les différents concurrents s’engageraient à ne pas se laisser aller aux attaques personnelles, à ce que le scrutin soit transparent et à soutenir le vainqueur. Aucun des candidats n’a réagi à cette proposition par ailleurs déjà prévue par le guide électoral de la Haute autorité.

Comme les autres candidats, Alain Juppé a envoyé quelques signaux à Nicolas Sarkozy – « certains jettent de l’huile sur le feu, on m’appelle parfois le bonze de Bordeaux, je continuerai à faire preuve de calme et de sang-froid » – mais il a préféré se concentrer sur son programme : un Etat recentré sur ses missions régaliennes (défense, lutte contre la criminalité, construction de 10 000 places de prison, encadrement du droit du sol, réécriture des accords de Schengen, etc.) et la relance de l’économie par la baisse de l’impôt sur les sociétés. « Les jours de demain peuvent être meilleurs que ceux d’aujourd’hui. (…) Je veux une France heureuse, j’ose le mot », a conclu le maire de Bordeaux qui assume ainsi son objectif de « l’identité heureuse » brocardé par M. Sarkozy.

Nadine Morano, Hervé Mariton, Jacques Myard, Frédéric Lefebvre, l’autre primaire

Nadine Morano répond aux questions des journalistes. | Michael Zumstein/Agence VU

Nadine Morano a pris la parole juste après Alain Juppé. Difficile de savoir ce qui rassemble encore dans la même famille politique ces deux personnalités. Après le discours « d’espérance » du maire de Bordeaux, la députée européenne a décrit une France soumise à la peur. « En France, les barbares décapitent, les barbares assassinent sur les terrasses des cafés, les barbares tuent des policiers sous les yeux de leur enfant, c’est ça la France ? », a déclaré Mme Morano avant d’appeler à « soumettre l’islam » tout en s’engageant à de ne pas prendre de ministres bi-nationaux dans son futur gouvernement.

Toujours à la recherche de ses parrainages, Hervé Mariton a demandé d’arrêter les « bobards » avant de s’en prendre à ceux qui veulent « descendre les impôts par l’ascenseur et faire baisser les dépenses par l’escalier ». Une attaque contre l’engagement de Nicolas Sarkozy de diminuer de 10 % les impôts sur le revenu dès le début du mandat. Jacques Myard a, lui, plaidé pour une « relance par l’investissement », tandis que Frédéric Lefebvre a vanté son idée d’un revenu universel. Ces deux derniers ont sans doute profité une dernière fois de la tribune que leur offre la primaire. Ils ne seront pas candidats car ils n’ont pas vraiment cherché leurs parrainages.

Bruno Le Maire, le renouveau et après ?

Le député de l’Eure s’est une nouvelle fois fait le chantre du renouveau en politique (baisse à 400 du nombre de députés, démission de la fonction publique, pas plus de trois mandats successifs) tout en flattant l’auditoire avec sa proposition récente de supprimer l’Ecole nationale d’administration. « Rien n’est plus dangereux que la fracture politique qui existe entre les Français et leurs représentants. (…)Je ne comprends pas que, dans la République française, on puisse obtenir à vingt ans un ticket à vie pour diriger la Nation française », a-t-il lancé.

Après plus de deux ans passés sur les routes, l’ancien ministre de l’agriculture connaît son auditoire. Samedi, il a promis de relancer l’apprentissage, d’aligner les retraites de la fonction publique sur celles du privé, il a pourfendu l’assistanat, l’aide médicale d’Etat, l’enseignement de l’arabe à l’école, etc. « La solidarité, oui. Le social à tout va, non », a-t-il estimé en évoquant les allocations de rentrée qui « alimentent les rayons hi-fi des supermarchés du coin ». Ce discours, mélange d’une droite décomplexée et de modernité sur le fonctionnement de la vie politique, est rodé depuis de longs mois mais tourne en boucle. Le député de l’Eure doit détailler le programme et son financement, le week-end des 17 et 18 septembre à Sète (Hérault).