Le journaliste turc Can Dündar, le 21 juin 2016. | OZAN KOSE / AFP

Dilek Dündar, la femme du journaliste d’opposition Can Dündar, a été empêchée de prendre un vol pour l’Allemagne depuis l’aéroport Atatürk à Istanbul, samedi 3 septembre en fin de matinée. Son passeport lui a été confisqué. L’état d’urgence instauré le 21 juillet en réaction au putsch manqué permet aux autorités d’annuler les passeports des proches de personnes soupçonnées ou condamnées.

« Ils ont pris ma femme en otage. C’est la loi de la jungle. Mais en vain. Ni moi ni une femme qui a pu se jeter sur une arme n’allons être effrayés par ça », a réagi Can Dündar sur son compte Twitter samedi, faisant référence au fait que son épouse s’était jetée sur un homme qui tentait de le tuer à la sortie d’un tribunal, en mai dernier.

Une ère de « non-droit »

Ancien rédacteur en chef du quotidien d’opposition Cumhuriyet, poste dont il a démissionné le 15 août, Can Dündar avait été condamné le 6 mai 2016 en première instance à cinq ans et dix mois pour « divulgation de secrets d’Etat », après avoir publié des articles et une vidéo montrant une livraison d’armes, opérée en 2014 par les services secrets turcs (MIT) à destination de groupes rebelles syriens.

Emblématique des atteintes à la liberté d’expression en Turquie, son procès avait été largement suivi par les diplomates occidentaux, fustigés pour leur présence au tribunal par le président Erdogan, par ailleurs partie civile dans ce procès. L’énoncé du verdict avait été précédé d’une agression à main armée contre le journaliste. Sorti de la salle d’audience lors d’une pause, Can Dündar avait été visé à trois reprises par un agresseur, sans être touché.

Laissé en liberté en attendant le jugement en appel de sa condamnation, le journaliste s’était ensuite rendu en Europe où il est toujours. Dans une tribune publiée le 15 août dans les pages de Cumhuriyet, il avait annoncé sa démission de sa fonction de rédacteur en chef ainsi que sa décision de ne pas comparaître pour l’appel. Depuis le putsch raté et l’imposition de l’état d’urgence, une ère de « non-droit » s’est ouverte en Turquie, soulignait-il, assurant que « faire confiance à un tel pouvoir revient à mettre sa tête sous la guillotine ».