Importante manifestation à Paris contre les violences envers les Asiatiques
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Plusieurs milliers de personnes – 15 500 selon la police, 50 000 selon les organisateurs – ont manifesté dimanche 4 septembre à Paris pour dénoncer les agressions dont est victime la communauté chinoise. Une manifestation qui survient après la mort de Zhang Chaolin, un couturier de 49 ans, agressé au début du mois d’août à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) par trois hommes voulant voler le sac d’un de ses amis, lui aussi d’origine chinoise.

Fait rare dans une manifestation dénonçant des discriminations, les organisations antiracistes ont fait preuve d’une grande discrétion. Ni banderole SOS Racisme, ni drapeau du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), seuls quelques représentants de ces associations défilaient dans le cortège.

« Le collectif d’associations de la communauté chinoise qui appelait à manifester ne souhaitait pas qu’il y ait des drapeaux autres que les leurs, raconte Sylvain Goldstein, président du MRAP 93. Tout était organisé très précisément, les banderoles étaient préparées et toutes étaient sur le même mot d’ordre, c’était très ordonné en fait. »

« Quand on a vu leurs tracts et revendications sur la sécurité, on n’était pas forcément d’accord. On a donc du mal à soutenir à 100 % une manifestation où il y a un mot d’ordre d’appel à plus de vidéosurveillance, par exemple », confie Françoise Dumont, présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH).

Même discours du côté de Dominique Sopo, président de SOS Racisme, présent à la manifestation parisienne : « Une marche qui a pour mot d’ordre officiel la sécurité, ce n’est pas exactement notre cœur de métier, une banderole SOS Racisme aurait difficilement collé au thème, finalement. »

« Les thèmes sécuritaires de cette manifestation étaient des revendications de longue date pour nous, précise Wang Rui, président des Jeunes Chinois de France, membre du collectif Stop à la violence, sécurité pour tous, à l’origine de la manifestation. Ça fait longtemps qu’on demande que la police soit plus présente dans nos quartiers et la mise en place de la vidéosurveillance. »

« Aucune remontée »

Des milliers de manifestants de la communauté chinoise ont défilé à Paris, le dimanche 4 septembre. | FRANCOIS GUILLOT / AFP

Avant l’agression mortelle d’Aubervilliers, les contacts entre les organisations antiracistes et la communauté asiatique étaient quasi inexistants, de l’aveu de la plupart des grandes associations. « Le racisme anti-Asiatiques est évidemment présent en France mais, au niveau de SOS Racisme, on n’a jamais eu aucune remontée à ce sujet », confie Dominique Sopo. Pour Wang Rui, les premières générations d’immigrés chinois n’osaient pas dénoncer les actes racistes dont elles étaient victimes :

« Ces discriminations, nos parents les ont toujours vécues avec résignation. Mes parents, par exemple, ont grandi en Chine, à un moment où il ne fallait pas trop élever la voix, alors manifester, ce n’était pas dans leurs habitudes. »

« Les jeunes, au contraire, se disent : “on est français comme tout le monde, on parle français, on fait des études et on veut être traités comme tels” », remarque Françoise Dumont. « Le cas de figure était le même au début des mouvements antiracistes dans les banlieues françaises : les jeunes se sont bougés alors que leurs parents n’osaient pas se plaindre », ajoute le président de SOS Racisme.

« Inertie » des associations antiracistes

Le contact maintenant établi, toutes les organisations mobilisées à la suite de la mort de Zhang Chaolin assurent vouloir continuer le travail commencé avec la communauté chinoise de France.

« Le drame d’Aubervilliers nous a finalement permis d’entrer en contact avec des associations de la communauté chinoises, et nous allons maintenant pouvoir commencer avec elles un travail de fond », se réjouit Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Il regrette cependant que la manifestation de dimanche soit restée trop communautaire :

« J’ai été extrêmement choqué que les prises de parole aient été en chinois. La communauté chinoise ne pourra pas mobiliser en communautarisant ce combat et en ne s’adressant qu’à ses propres troupes. Il faut que tous les Français se sentent concernés. »

« Les organisations antiracistes étaient invitées, mais on voulait que ça reste un mouvement indépendant et spontané de la part de notre communauté », se défend Wang Rui. Le comité Stop à la violence, sécurité pour tous, refuse d’ailleurs de dénoncer un racisme anti-Asiatiques, préférant évoquer des « préjugés racistes » ou un « racisme latent » dont est victime la communauté. « Nous ne subissons pas le même type de violence que dans le racisme antimusulman ou antisémite. Il n’y a pas de haine des Asiatiques, il y a peut-être un dédain, mais ce n’est pas une haine », estime Wang Rui, regrettant encore l’« inertie » des associations antiracistes dans la façon d’aborder la question.