Le ministre chargé de la sortie de l’UE, David Davis, est resté flou sur sa stratégie de négociation avec Bruxelles. | JUSTIN TALLIS / AFP

L’ordre du jour était prometteur, lundi 5 septembre, pour la séance de rentrée de la Chambre des communes. David Davis, ministre officiellement chargé de « la sortie de l’Union européenne », devait enfin dévoiler la stratégie du gouvernement britannique pour mettre en œuvre le choix des électeurs lors du référendum du 23 juin.

De stratégie et même d’objectif précis, M. Davis n’en a pas touché mot, se contentant de reprendre à sa manière la tautologie qui sert de programme à la première ministre, Theresa May, depuis deux mois : « Le Brexit, c’est le Brexit. » A la question que tous les Britanniques se posent désormais – « Que va signifier le Brexit ? », il s’est contenté de répondre : « Simplement quitter l’Union européenne [UE]. Nous déciderons de nos frontières, de nos lois et de l’usage de l’argent des contribuables », déclenchant une bronca dans les rangs de l’opposition et la stupéfaction chez certains conservateurs.

Le système d’immigration à points rejeté

Pris en étau entre les deux promesses contradictoires des « brexiters » (partisans du Brexit) – conserver l’accès au marché unique européen et contrôler l’immigration venant de l’UE –, M. Davis, un ultralibéral europhobe, continue de prétendre qu’elles sont atteignables simultanément. Prônant « non pas une solution toute faite, mais une formule spécifique à la Grande-Bretagne », le ministre du Brexit a précisé :

« Cela signifie contrôler le nombre de personnes entrant en Grande-Bretagne en provenance d’Europe, mais aussi obtenir un résultat positif pour ceux qui souhaitent vendre des biens et des services. »

La première ministre, présente au sommet du G20 à Hangzhou (Chine), a elle-même soufflé le chaud et le froid, rejetant le système d’immigration à points que les brexiters promettaient pendant la campagne, tout en se défendant de s’être « adoucie » sur l’immigration. Déjà, la droite des conservateurs prévient qu’elle n’acceptera pas un deal qui sauverait le libre accès au marché européen au prix d’une politique ouverte d’immigration.

A Westminster, le ministre du Brexit a promis que le statut des Européens installés au Royaume-Uni « serait protégé », sauf si celui des Britanniques dans les pays européens ne l’était pas. « Ce qui est difficile à imaginer », a-t-il cru bon de préciser. Ainsi s’annonce l’ambition d’un vaste donnant-donnant qui va mobiliser l’administration britannique et Bruxelles pendant des années sans qu’aucun calendrier précis ne soit dévoilé.

Un avenir hors de l’Union décrit comme radieux

Habituel pourfendeur du « trop-d’Etat », M. Davis a fièrement revendiqué les effectifs de son ministère : 180 fonctionnaires à Londres et 120 à Bruxelles pour négocier le Brexit. Le ministre, flanqué symboliquement des deux collègues ultra-brexiters chargés de compléter son travail – Boris Johnson aux affaires étrangères et Liam Fox pour le commerce international – n’a fait qu’une annonce précise : Mme May en personne, et non l’un des membres du trio, conduira les négociations.

Excluant tout projet de second référendum, M. Davis a présenté l’avenir hors de l’UE comme radieux : un Royaume-Uni « modèle de libre-échange pour le monde entier », disposant d’une « position nouvelle » lui permettant de « prospérer hors de l’UE tout en gardant les Européens comme amis, alliés et partenaires commerciaux ».

L’économie britannique ne donne pour l’instant pas de signe de choc post-Brexit.

Pour l’opposition travailliste, la députée Emily Thornberry a fustigé « les platitudes sans contenu d’un gouvernement qui continue d’improviser ». Mais lorsqu’elle a réclamé le droit pour le Parlement de voter sur la mise en œuvre de la procédure de sortie, elle a été accusée par M. Davis de vouloir contrecarrer la volonté populaire exprimée lors du référendum.

« Une récession sera évitée »

Pourtant, le Labour, miné par ses querelles internes et flou dans ses positions, n’est guère en mesure de peser réellement sur un débat qui risque de perdurer, d’autant que l’économie britannique ne donne pour l’instant pas de signe de choc post-Brexit.

Le dernier indicateur, publié lundi 5 septembre, était très attendu : il concernait le secteur des services, qui représente 80 % de l’économie britannique, et portait sur août, un mois après le référendum. Cet indice, dit « PMI », a été relevé à 52,9 (un chiffre supérieur à 50 indique une croissance). Non seulement cela efface complètement l’affaissement du mois de juillet, quand l’indice était tombé à 47,4, mais c’est supérieur au niveau de juin (52,3).

Cela vient s’ajouter aux indices PMI de la construction et du secteur industriel pour le mois d’août, eux aussi indiquant une progression. « Cela suggère qu’une récession sera évitée », estime Chris Williamson, économiste à Markit, l’entreprise qui produit l’indice PMI. Mais les économistes jugent qu’il faut éviter d’en tirer des conclusions hâtives. « Nous restons prudents sur le moyen terme, étant donné les risques d’un ralentissement qui viendrait d’une baisse des investissements », juge Elizabeth Martins, chez HSBC.