Documentaire sur Arte à 22 h 25

"Révolution Ecole - 1918 1939" (Extrait)
Durée : 01:19

Après la Grande Guerre, des pédagogues vont tenter de réformer l’école pour que naisse une génération pacifique.

Pour en finir avec la guerre, au lendemain de la boucherie de 1914-1918, ne faut-il pas d’abord réformer l’école ? Inventer une autre façon d’éduquer les enfants pour que l’on ne puisse pas en faire si aisément de simples recrues vouées au sacrifice au nom de l’idéal patriotique ?

C’est le chantier qu’ouvrent nombre de pédagogues dans une Europe saignée à blanc. Sans concertation initiale, des femmes et des hommes, préoccupés par les enjeux éducatifs bien avant le conflit mondial pour certains, généralement alertés par le sort fait aux enfants délaissés tenus pour « débiles » (le Polonais Janusz Korczak, l’Italienne Maria Montessori, le Belge Ovide Decroly, l’Allemand Paul Geheeb, pour ne rien dire du pédagogue libertaire catalan Francisco Ferrer, fusillé en 1909 en champion de l’« Ecole moderne ») vont dès la fin des combats pointer les faiblesses du modèle en place pour proposer d’autres voies où l’intérêt de l’enfant, sa pleine participation aux projets éducatifs, la prise en compte de son corps et de sa vitalité, de sa personnalité et de sa psychologie propres sont les seules priorités.

La pédagogue italienne Maria Montessori. | © MARIA MONTESSORI ARCHIVES, AMI

Un homme va fédérer ces énergies. Le pédagogue genevois Adolphe Ferrière (1879-1960), qui, à l’écoute des expérimentations anglaises de la fin de l’ère victorienne, préconise des méthodes actives d’enseignement. Mais, sourd, il doit renoncer, dès 1918, aux « 30 points qui font une école nouvelle », qui valent charte universelle. Et, préconisant la promotion de l’idéal de solidarité et de fraternité humaines, il organise un Congrès de l’éducation nouvelle à Calais en août 1921.

Utopie pédagogique

La théosophe britannique Beatrice Ensor comme le libertaire écossais Alexander S. Neill sont présents et dirigeront la version anglophone de la revue lancée à l’occasion de ce grand rassemblement, Pour l’ère nouvelle, dont Ferrière signe le premier éditorial. Suivront d’autres rendez-vous de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle, du congrès de Montreux (1923) – le premier où apparaît le Français Célestin Freinet – à celui de Cheltenham (1936), mais, au fil des années, l’unité des idéalismes d’origine est mise à mal par les vicissitudes politiques nationales. Soutenue un temps par Mussolini, Maria Montessori refuse la récupération paramilitaire dont rêvent les fascistes et doit fuir l’Italie ; la voie soviétique, défendue par la compagne de Lénine, Nadejda Kroupskaïa, sombre quand la ligne Makarenko, conforme à la discipline stalinienne, s’impose ; et si l’aventure de l’Odenwaldschule, ouverte en 1910 par Geheeb dans la Hesse, doit se poursuivre en Suisse quand les ­nazis mettent au pas l’Allemagne en 1934, Célestin Freinet, attaqué par l’extrême droite et Charles Maurras, doit quitter l’éducation nationale pour poursuivre son utopie pédagogique (1935).

C’est cette épopée magnifique et tragiquement brisée – Korczak finit assassiné, avec ses enfants du ghetto, dans le camp de Treblinka – que raconte Joanna Grudzinska. Elle s’attache à rendre autant les espoirs et les enjeux du mouvement que les personnalités qui les incarnent. Les documents d’archives, captivants, ont la force du propos, didactique et lumineux. Et si cette page de l’histoire des idées mérite qu’on la relise, les questions qu’elle pose pour faire face à la barbarie sont encore d’une brûlante actualité. Une leçon doublement nécessaire.

Révolution école (1918-1939), de Joanna Grudzinska (Fr., 2016, 90 min). Le mercredi 7 septembre à 22 h 25 sur Arte. sur Arte+7 du 7 septembre au 13 septembre.