Un manifestant anti-Maduro, le 1er septembre, à Caracas. | CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

Les manifestations contre le président Nicolas Maduro se succèdent au Venezuela. Après celle de jeudi 1er septembre, qui a rassemblé près de un million de personnes, selon les dirigeants de l’opposition, une nouvelle journée de mobilisation est prévue mercredi 7 septembre, à Caracas, la capitale.

Après le succès de la première marche, l’opposition – réunie dans une vaste coalition, la Table pour l’unité démocratique (MUD, centre droit) –, souhaite désormais accentuer la pression sur M. Maduro en réclamant un référendum révocatoire, dès 2016. Face à eux, les partisans du président ont également investi la rue, le 1er septembre à Caracas, pour dénoncer ce « coup d’Etat ».

Cela fait maintenant plus de huit mois que le Venezuela est empêtré dans une triple crise, économique, politique et institutionnelle. L’origine de cette situation se trouve notamment dans la chute du cours du pétrole en début d’année.

  • Une crise économique qui n’en finit pas

Le Venezuela paye aujourd’hui sa dépendance à l’or noir. Il représente 96 % des devises du pays. Alors quand le prix du pétrole s’effondre, c’est l’économie nationale qui en subit les conséquences. Faute de dollars pour importer, la pénurie d’aliments et de médicaments atteint un niveau dramatique.

Et l’effondrement des revenus pétroliers, en ruinant les comptes publics, affaiblit également le gouvernement. En février, le président a ainsi dû augmenter jusqu’à 6 000 % le prix du pétrole. Mais pour M. Maduro, cette situation est provoquée par les entreprises privées qui « pulvérisent » tout le système en spéculant.

Les manifestants anti-Maduro étaient près d’un million selon les organisateurs, le 1er septembre, à Caracas. | FEDERICO PARRA / AFP

Selon une étude publiée le 23 août par l’organisation médicale Medicos por la salud et l’Observatoire vénézuélien de la santé, au côté de l’université centrale de Venezuela, la pénurie concerne désormais 81 % du matériel médico-chirurgical et 76 % des médicaments indispensables pour soigner les patients des hôpitaux publics.

Près de 80 % des produits de base manquent au Venezuela, et la population est obligée de faire plusieurs heures de queue pour tenter d’acheter le moindre aliment. Pour faire face à cette pénurie, le gouvernement a nommé, samedi 3 septembre, dix-huit chefs militaires pour réguler la production, la distribution et la commercialisation de biens de première nécessité. Ces hauts gradés devront ainsi contrôler les aliments de base, comme le sucre, le riz ou encore la farine.

  • L’opposition veut révoquer Nicolas Maduro dès 2016

L’objectif est annoncé depuis plusieurs mois maintenant. Les opposants au successeur de Hugo Chavez souhaitent qu’un référendum révocatoire soit organisé pour pouvoir le destituer. En avril, l’autorité électorale (CNE) a autorisé les adversaires de M. Maduro à rassembler des signatures pour enclencher le processus. Un minimum de 195 000 paraphes – soit 1 % de l’électorat – est alors exigé. Ce fut chose faite en quelques jours.

L’opposition, majoritaire au Parlement depuis les élections de décembre 2015, remet au début de mai 1,85 million de signatures en faveur du référendum. Au début d’août, l’autorité électorale, accusée par l’opposition d’être contrôlée par le gouvernement, donne son accord au projet de référendum. Mais maintenant la question de la date de ce scrutin est au cœur des interrogations. Se fera-t-il en 2016 ou en 2017 ?

Les anti-Maduro réclament un référendum révocatoire contre le président vénézuélien. | CRIS BOURONCLE / AFP

Pour les adversaires de M. Maduro, il est crucial que ce processus aboutisse avant le 10 janvier 2017. S’il se tient avant cette date, et qu’il est couronné de succès, de nouvelles élections seront organisées. Mais s’il se tient après, et que le président est révoqué, M. Maduro pourra être remplacé par son vice-président. Ce serait alors un coup pour rien pour l’opposition. Et c’est ce vers quoi le Venezuela se dirige.

Le calendrier dévoilé en août par le CNE rend en effet impossible la tenue d’un tel référendum avant la fin de l’année. L’opposition accuse désormais l’autorité électorale de servir les intérêts du gouvernement en ralentissant le processus.

  • Pendant ce temps, les arrestations et les révocations se succèdent

M. Maduro a ordonné le 23 août la révocation des cadres de la fonction publique qui avaient signé la pétition demandant sa révocation. Jorge Rodriguez, dirigeant chaviste, a ainsi annoncé que des listes avec « les noms des personnes […] qui ont exprimé publiquement leur proximité avec la droite vénézuélienne et qui ont participé au processus d’autorisation du parti de la droite pour l’activation d’un référendum révocatoire mort-né » avaient été dévoilées.

« Aucun poste d’encadrement dans les ministères, les institutions publiques, les gouvernements locaux et communaux ne saurait être occupé par des personnes qui sont contre la révolution et le président Nicolas Maduro. »

Cette annonce est faite alors que l’opposition et des ONG dénoncent des dizaines d’arrestations. Un des leaders de l’opposition, Daniel Ceballos, a ainsi été arrêté samedi matin par des membres des services de renseignement. Il était prêt à s’échapper « et à diriger et coordonner des actions violentes dans le pays », a justifié le ministère de l’intérieur et de la justice.

Les arrestations se sont succédé après les manifestations contre le président Nicolas Maduro. | MARCO BELLO / REUTERS

L’organisation de défense des droits humains Foro Penal Venezolana a également dénoncé ce week-end l’arrestation d’une trentaine d’opposants vendredi 2 et samedi 3 septembre après une manifestation contre le pouvoir à Porlamar. Venu inaugurer des logements sociaux, M. Maduro avait été pris à partie par une foule en colère qui l’a encerclé. Tous ont été libérés en début de semaine sauf un journaliste, Braulio Jatar Alonso. Directeur du site d’information vénézuélien Reporte confidencial, il a été inculpé de blanchiment d’argent.

Mercredi 31 août, la correspondante du Monde Marie Delcas a été refoulée à l’aéroport de Caracas alors qu’elle venait couvrir la grande manifestation de l’opposition. Des journalistes de la radio américaine NPR, du Miami Herald et deux médias colombiens ainsi qu’une équipe de la chaîne Al-Jazeera ont connu le même sort.

En réponse à la polémique que ces mesures ont suscitée, la ministre des affaires étrangères du Venezuela, Delcy Rodriguez, s’en est pris aux journalistes.

« Les médias qui remplissent les conditions seront les bienvenus dans notre pays […] [Mais] ils ne peuvent pas venir au Venezuela comme des cowboys, comme s’ils arrivaient au Far West, en voulant travailler dans notre pays sans respecter les normes migratoires. »

Nicolas Maduro a par ailleurs annoncé jeudi 1er septembre avoir préparé un décret pour lever l’immunité des parlementaires, en accusant l’opposition majoritaire de préparer un coup d’Etat avec le soutien des Etats-Unis.

« Qu’ils pleurent ou qu’ils crient, ils iront en prison », avait-il affirmé quelques jours plus tôt. Le dirigeant établit d’ailleurs un parallèle avec la situation de l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Rousseff, destituée par le Sénat.