Bande d’adolescents arrêtés à Ouagadougou après une vague de cambriolages et d’agressions commises entre fin 2015 et le printemps 2016 | Justin Yarga

La police burkinabée a mis au grand jour un nouveau type de banditisme dans la capitale. Il s’agit de cas de cambriolages en série et d’agressions impliquant des adolescents. A l’image de ceux qu’on a appelés les « microbes » à Abidjan, ils sont très jeunes, attaquent à la machette et se montrent impitoyables pour leurs victimes.

A l’entrée du commissariat de Nongr-Maasom, l’un des postes de police de la ville de Ouagadougou, un policier en gilet pare-balles fait la ronde, kalachnikov à la main. En passant le portail coulissant, un spectacle des plus habituels dans les postes de police : un adolescent vêtu d’un caleçon, solidement agrippé aux barreaux du violon. L’air impassible, ses yeux dévisagent les visiteurs. « Il fait partie de la bande, lui ? », demande Issa, indiquant de son regard l’adolescent. « Non, lui rétorque Abdoulaye. Toute la bande a été déférée à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. »

Comme Issa et Abdoulaye, plusieurs victimes se sont présentées, mercredi 7 septembre, au poste de police de Nongr-Maasom. Trente-six victimes se sont déclarées à la suite d’un communiqué de la police, publié la veille, et annonçant le démantèlement d’un gang qui écumait les quartiers de la capitale. Seize d’entre elles ont été gravement blessées à la machette.

« Ils m’ont asséné cinq coups de machettes »

Selon le commissaire de police Mahama Kaboré qui a mené l’investigation avec ses hommes, « entre 2015 et juin 2016, presque tous les services de police et de gendarmerie ont enregistré des plaintes faisant état des mêmes types d’agression ».

Ouagadougou connaît fréquemment des cas agressions impliquant des mineurs, mais « jamais un gang composé uniquement de gamins, aux méthodes aussi violentes que décrites par les victimes », note le commissaire. Il s’agit donc d’une nouvelle forme de délinquance dont les auteurs sont pour la plupart des adolescents déserteurs des centres sociaux de réinsertion pour jeunes ou des enfants de la rue.

Dans son communiqué, la police a employé le terme « microbes », rappelant ainsi un phénomène qui a défrayé la chronique à Abidjan courant 2015.

Seydou Tiendrebeogo est l’une des victimes de ces jeunes délinquants burkinabés. A 60 ans, cet imam de quartier est propriétaire d’un commerce situé au croisement de deux rues. La nuit du 20 mai, la bande de « microbes » a cambriolé sa boutique et l’a grièvement blessé à la machette.

Quatre mois après, ses blessures ont cicatrisé, mais l’émotion reste forte dans la voix du vieux Seydou lorsqu’il raconte cette nuit de cambriolage : « Mon fils Sayouba m’a téléphoné pour me dire que des voleurs tentaient de casser la boutique. Nous avons essayé, avec quelques voisins, de faire fuir les cambrioleurs. »

Seydou se souvient des détails qu’il raconte en gesticulant : « Ils étaient huit. Tous des adolescents. Trois sont venus à ma rencontre. Ils m’ont dit de retourner parce qu’ils n’entendaient pas fuir. Malgré leurs menaces et des coups de pierres, j’ai décidé d’avancer. Aucun des voisins n’était plus là. Ils m’ont assené des coups de machettes. Je me suis retrouvé à terre.  » D’une voix infléchie, Seydou ajoute : « Mon fils était attaqué à l’intérieur, mais je n’ai rien pu faire pour lui. » Sayouba, un gaillard de 25 ans, ne se souvient pas du nombre de coups de machette qu’il a reçus. Il tente d’estimer en comptant les cicatrices qui marquent son corps : « Je me rends compte aujourd’hui que j’ai été chanceux. J’aurais pu mourir pour avoir reçu ce coup-là sur ma tête. »

« Sans pitié et peur de rien »

Abdou Latif, quatre fois victime de cambriolage, s’est présenté au commissariat avec une vidéo d’une des caméras de surveillance dont il avait fini par équiper son commerce. On y voit la scène de cambriolage. Il explique : « La première fois, ils ont emporté plus d’un million de francs CFA [1 500 euros] et poignardé le caissier. » Très amère à l’idée que ces gamins ne pourront pas le dédommager, il se désole : « Cette bande nous a fait trop de mal. »

Parmi les victimes, certains n’étaient que des voisins qui voulaient porter secours. Abdoulaye Diallo, un jeune de 30 ans nous livre le récit d’une nuit dont il garde un mauvais souvenir et des séquelles : « C’était dans la nuit du 19 au 20 avril, aux environs de 2 heures du matin. J’ai entendu crier le boutiquier. J’ai allumé les lumières, et, quand j’ai ouvert, j’ai reçu un coup au visage. »

Il poursuit son récit en caressant sa cicatrice, bien visible, à la paupière : « J’ai pu voir que mon agresseur était un gamin d’environ 14 ans. »

Issa, le propriétaire du commerce lui, se souvient des propos de ses agresseurs : « J’ai crié au voleur en me disant qu’ils allaient fuir. Ils m’ont répondu qu’ils s’en prendraient à toute personne qui viendrait pour me secourir. »

« Je revis cette nuit comme un film, raconte Abdoulaye. Ces petits-là sont sans pitié et n’ont peur de rien. »

En tout, dix adolescents ont été interpellés et déférés à la prison en fin juin. Selon le commissaire Mahama, le phénomène de « microbes » ne peut pas prospérer. Pour preuve, il signale qu’aucune agression de ce type n’a été enregistrée par la police depuis l’interpellation de la bande. Les victimes, elles, peu rassurées, disent craindre toujours de nouvelles agressions et cherchent les meilleurs moyens d’assurer leur propre sécurité.